Deux phares

Voici quelques mots pour rendre un hommage à deux disparus qui reposent à jamais dans mon Panthéon personnel : le professeur Robert Lafont dont la langue était l’occitan dont on fait les beaux textes, et le Père Jean Cardonnel dont la langue n’était pas du bois dont on fait les croix…
La presse locale a tout dit sur eux, je n’aurais donc pas l’outrecuidance d’en rajouter, je dirais simplement que ce sont deux phares qui ont éclairé et éclaireront longtemps mon chemin. Tous les deux s’étaient rencontrés au cours d’un procès en tant que témoins médiatiques à décharge à l’orée des années 70. Deux militants maoïstes étaient jugés en correctionnelle pour avoir écrit des graffitis (à l’époque on ne parlait ni de graphs ni de tags) sur les murs de la ville, graffitis insultants pour un certain commissaire de police qui s’était montré particulièrement zélé et véhément au cours des événements de mai 68, et même après… Le Père Cardonnel avait fait une véritable homélie au cours de laquelle il avait magnifié la révolte des accusés et l’ignominie de l’accusateur ; le professeur Lafont, lui, avait fait référence aux inscriptions gravées sur les monuments romains…

Je garde encore le souvenir ému de mes chères études, et notamment d’un examen de fin d’année d’une UV d’occitan, la seule que j’ai réussie, avec le professeur Lafont. Celui-ci, après m’avoir demandé quelles études je suivais (histoire de l’Art en l’occurrence) s’écria en souriant : Aquo es pas de historia, es de l’art !

Je terminerai en précisant que le professeur Lafont a tout à fait sa place dans ce blog, car Gui Broglia qui fut le premier chanteur occitan avait mis en musique et enregistré quatre de ses poèmes… Peut-on encore les écouter ?

Gratuit !

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Gratuit ! le gros mot de l’été est lâché… Spectacle gratuit ! se réjouissent les gazettes et les hommes politiques… Gratuit ! Gratuit ! s’en va clamant la déesse aux cent bouches… Et en effet, félicitations garçons, vous avez réussi à mettre un million de personnes sous la tour Eiffel avec Johnny pour le 14 juillet, 50000 au moins à l’automne prochain sur le Peyrou de Montpellier avec Joan Baez, 37,5 un soir d’été dans un tout petit village sud de France, sans Alexandra, mais avec Jacques Palliès… Magnifique ! Merveilleux ! Quelle avancée enfin pour la culture et pour les arts !

… Et il est vrai qu’il est temps de se réjouir que des millions de personnes en été oublient enfin leurs télés et retrouvent le chemin du spectacle vivant. (Rien qu’aujourd’hui par exemple j’ai relevé Herbert Léonard à Palavas, Adamo à Agde, Patricia Kass à Port Barcarès… ce qui est mieux qu’à la télé, n’est-ce pas !)

Bien sûr, devant une telle débauche, on se demandera au profit de qui se font ces retrouvailles, certes gratuites, mais peut-être pas pour tout le monde.

Soyons clairs en effet. Les artistes eux – et c’est bien naturel – sont payés : 1,9 million d’euros au total (chiffres confirmés par le Ministère de la Culture) pour Johnny, 50000 € pour le plateau artistique de Joan Baez, 300 € de masse salariale pour J.P…. Pas mal, n’est-ce pas, d’autant qu’au passage – et c’est bien naturel – les techniciens eux aussi sont payés, les droits d’auteur également, et tous les frais (communication, administration, déplacement…) qui accompagnent de telles manifestations… (Tiens, à force de travailler avec l’Acte Chanson, j’ai failli oublier qu’il y a aussi des producteurs qui doivent se sucrer au passage…)

… Les organisateurs ? Généreux en diable avec l’argent public, c’est eux qui payent (c’est-à-dire : nous !). Directement le ministère pour Johnny, la mairie de Montpellier pour Joan Baez (via les Internationales de la Guitare), une communauté de communes très discrète pour J.P…. Et pour quoi en échange ? Soyons brutaux : pour les seules retombées « politiques » qui peuvent en advenir (et en politique aussi on a ses « excellences »)

Reste donc le public pour lequel chacun se gargarise de cette « gratuité » imposée. Est-il vraiment le grand gagnant ? Certes ce qui est pris est bon à prendre, disait ma cousine, mais n’est-ce pas un leurre de plus qui développe à outrance le besoin de consommation au dépens du goût de la découverte, au dépens de cette curiosité sans laquelle il n’est pas d’aventure artistique possible ?

Et si la gratuité allait à l’encontre des besoins de la création ? La question au moins mérite d’être posée.

Dieu aime-t-il la musique ?

Ce n’est pas une sinécure que d’être musicien chez les talibans. Pour avoir voulu se produire en Talibanie orientale profonde, des artistes ont eu le crâne rasé, ont été attachés à des arbres et violentés… Certains y ont laissé la vie. Tout cela parce que selon une incertaine interprétation des textes sacrés, la musique est mauvaise pour la foi et détourne l’homme de la dévotion, c’est du moins ce qu’ont décrété les talibans.

Tout ceci semble dû a un obscurantisme de bas étage et à la bêtise humaine, mais en réfléchissant un tout petit peu on s’aperçoit que Dieu – et peu importe le nom qu’on lui donne – a quand même sa part de responsabilité.

Dans les textes qu’il donne à ses fidèles il faut avouer qu’il n’est jamais très clair, ses écrits, ses dictées ressemblant davantage à du jus de chaussettes de fantassins, ou au texte de la constitution européenne concocté par Giscard d’Estaing, qu’à un exposé d’une clarté limpide. Il faudrait à tout un chacun un doctorat de théologie appliquée pour y comprendre quelque chose. Dieu se comporte avec ses enfants comme le père Fourras : il parle par énigmes, laissant la porte ouverte aux interprétations les plus délirantes. Dieu nous prend pour des génies, ou des imbéciles, alors que nous ne sommes que des hommes comme dit Renan Luce…

Au fait Bambi est mort, victime du show biche. Des millions de faons le pleurent dans le monde.

Vive internet !

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Que d’efforts ! que de travail ! Dans la réorganisation de nos activités entreprises depuis le début de l’année, la mise en place d’outils de communication modernes et adaptés est une des tâche essentielles auxquelles nous nous livrons…

Au-delà de l’utilisation régulière des messageries électroniques, il y eut par exemple la naissance de ce site-blog que nous essayons de rendre le plus vivant et réactif possible (n’hésitez-pas à faire des commentaires !) ; il y a aussi cette page myspace que nous avons enfin actualisée pour de bon et qui se veut désormais gardienne de notre son et de nos images (photos et vidéos)… Demain peut être un album sur facebook…

Oui ! que d’efforts ! que de travail !… que d’émerveillement aussi devant les possibilités offertes par internet ! J’avoue que j’ai longtemps été réticent devant ce média envahissant qui semblait devoir tout résoudre mais dont je craignais l’immense capacité de manipulation, de falsification même des faits les plus élémentaires.

Bien sûr le terrorisme est toujours une tentation forte quand vous avez le sentiment que tout vous échappe, que vous ne pouvez plus « normalement » influer sur rien… – et je pense que les « accès de folie » (virus,… etc) auxquels s’abandonnent certains sur le web sont une forme de terrorisme – … mais est-ce parce que l’homme a inventé la bombe atomique que l’on doit rejeter l’énergie nucléaire ? parce qu’il y a des accidents mortels que l’on doit supprimer les voitures ? parce que Frédéric Mitterand est devenu ministre de Sarkozy que l’on ne doit plus regarder que les matchs de foot à la télé ?… Vive internet !

Frère Grimace

Vous avez sans doute remarqué qu’en ce moment on nous rebat allègrement les oreilles et le reste avec Sœur Sourire, vous savez cette bonne sœur belge qui à l’orée des années 60 fit un tube interplanétaire avec sa chanson « Dominique, nique, nique » ; d’ailleurs un film vient de sortir sur sa vie avec dans le rôle titre Cécile de France (et pourquoi pas une biographie filmée de Michel Simon avec Brad Pitt ? ou une autre avec Monica Belluci dans le rôle de Pauline Carton ?)

Aussi, pour mettre les pendules à l’heure du Vatican j’ai décidé de parler de Frère Grimace. De son vrai nom il s’appelait Yannis Demisroussospoulos ; il naquit en Grèce le 16 mai 1928. Après de brillantes études de théologie il fut moine au Mont Athos durant onze ans puis, décidant de parcourir le monde il partit pour la France séjournant dans tous les couvents qui pouvaient l’héberger. Brillant guitariste il se mit à chanter sous le pseudonyme de Frère Grimace mettant d’abord des poèmes de Jehan Rictus en musique; puis il écrivit ses propres textes dont le célèbre : « La moue de Dieu » qui fut chanté dans tous les saints lieux. Enfin il composa ce qui aurait dû être son tube : « Le Cénobite » dont voici les paroles du début :

« L’cénobite- bite – bite
S’en allait tout simplement
Toujours chantant, priant
En tout chemin il priait
Pour les cénobites en paix
Pour les cénobites en paix »

Vous connaissez la musique : c’est celle que chantait Sœur Sourire. L’évêché trouva que les paroles pouvaient prêter à confusion et Sœur Sourire sautant sur l’occasion réécrivit un texte sans équivoque obtenant le succès que l’on sait.

La chanson de Frère Grimace passa à la trappe et lui aussi, tout près du Mont Lozère…

Ah! les festivals

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Voici venir l’été des festivals dont notre région, toute à son désir de se vendre aux touristes, est si friande. Des dizaines, voire des centaines de festivals, sont annoncés un peu partout, sur le littoral comme dans l’arrière-pays, de tout style et de toutes les tailles… Qui peut dire combien d’argent au total cela représente ?

Bien sûr quelques centaines d’artistes et de techniciens de la région vont y trouver quelques occasions d’exercer leurs métiers et d’en vivre un peu, mais mesure-t-on bien que l’essentiel des ressources dégagées par la région, à tous les niveaux, des communes aux collectivités territoriales, vont aller pour l’essentiel dans la poche des marchands de culture ?

Certes nous sommes en système libéral, mais tout de même : ayez donc un peu de vergogne, mesdames, messieurs les gens en place, ô vous les décideurs de tout, politiques de tout poil, crispés sur vos baronnies ridicules,… Après tout il ne viendrait à l’idée de personnes en Languedoc de faire de la promotion œnologique en ne vantant que les crûs de Bourgogne, ou les Bordeaux… Pourquoi en serait-il autrement dans le domaine artistique ?

La Baronne et Arsène

Non, le titre de ce billet n’est pas une nouvelle aventure du héros de Maurice Leblanc, c’est tout simplement l’évocation d’une rencontre, a priori improbable, entre la baronne Nadine de Rothschild et Arsène Bouakira.

La première, ancienne actrice des années 50 qui en épousant le baron de Rothshild est devenue membre d’une famille riche château ; le second, professeur et champion de Taekwondo puis directeur de Maison pour tous et actuellement au cabinet du maire de Montpellier est issu d’une famille pauvre maisonnette.

C’est un échange de politesses qui les fit se rencontrer. La baronne en bonne cavalière est à cheval sur les principes et elle a publié des livres sur le savoir vivre et les bonnes manières. Arsène est intervenu pour apprendre la politesse aux jeunes. S’étant contactés entre deux courbettes, trois baise-mains et cinq révérences, ils ont écrit une espèce d’encyclopédie pratique de la politesse. Ah les belles leçons qu’assène Arsène serein !

Evidemment, Némour et Zollau les deux serials-killers chroniqueurs chez Ruquier les ont allumés façon tunnel du Mont-blanc. En effet cela paraît un peu simpliste d’apprendre aux gens à se laver la zigounette, se peigner, se moucher, dire bonjour à la dame et merci au monsieur, enfin quoi, se respecter et respecter les autres…

Et pourtant, si certains chanteurs étaient polis et ne nous prenaient pas pour des neuneus, s’ils nous faisaient la politesse de faire des chansons intelligentes et si le public avait la politesse d’écouter ces chansons, de leur donner leur chance, enfin si tout un chacun était poli et respectueux de l’autre au lieu de se regarder le nombril…

Ainsi, peut être pourrait-on éviter les drames comme celui qui s’est déroulé à Castries et qui vient d’être jugé ces jours-ci, vous savez, l’histoire de ce jeune qui en a tué un autre en lui donnant un coup de pied entraînant une chute mortelle pour une histoire de ballon. Oui! un peu de politesse aurait peut être évité une mort stupide. Il aurait suffi que celui qui avait envoyé le ballon sur la voiture présente ses excuses à l’autre.

Alors la Baronne et Arsène? pas si culcul que ça !

De l’eurovision et … du vote

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J’en ai presque honte… mais j’ai regardé samedi dernier, à la télé, la fin du grand concours 2009 de l’Eurovision, le xième de la famille. Oui ! j’ai regardé, écouté et me suis inquiété du score impitoyable réalisé par notre représentante, Patricia Kaas herself, reléguée sans ambage au 8ème rang des 42 pays participants. Ah ! l’Europe ! de l’Azerbaïdjan au Royaume Uni, d’Andorre à la Moldavie, de la Turquie à la Norvège,…, la Norvège grande triomphatrice du concours grâce à un chanteur biélorusse ayant appris le violon et… l’anglais pour mener sa carrière. Car c’est ça l’Europe d’aujourd’hui : 39 pays (ou presque) sur 42 chantant en anglais la même soupe (ou daube pour ceux qui ont très faim) à grands coups de danseuses plus ou moins dénudées, de cracheurs de feu et, parfois tout de même, de quelques musiciens à peine visibles dans le grand embrasement du stade olympique de Moscou.

… En fait, j’ai complètement honte d’être allé jusqu’au bout des « eight », ou « ten », ou « twelve points », espérant sans cesse que notre Patricia nationale allait leur montrer à tous ces Anglais refoulés que la chanson française était bien vivante et belle, et chargée d’émotion, même sans le concours des danseuses et des cracheurs de feu susnommés… Oui ! Shame on me d’avoir cru un seul instant qu’il était ce soir-là question de chanson et que peut-être, dans une émulation culturelle bien comprise, il ne serait plus besoin de traduire le Temps des Cerises…

C’est alors, tandis que défilait le générique, que j’entendis une voix qui disait « Mais qu’allait-il faire dans cette galère ? ». Aussitôt je m’arrêtais de souquer et m’accordais douze points quand je décidais – et pour qui ! et pour quoi ! – moi aussi d’aller voter. Le 7 juin !

Carlabama song

Il est des cadeaux déplacés et inutiles. Ainsi, personne ne songerait à offrir des jumelles à Gilbert Montagné ; aucun représentant du gouvernement français n’aurait offert un saxophone à Bill Clinton (lorsqu’il était président en exercice) car on savait que le cher homme avait plus d’aptitudes à se faire aspirer l’instrument plutôt que d’y souffler dedans lui-même ; on n’offrirait pas non plus à Ségolène Royal un séjour à Paimpol pour le grand pardon des pêcheurs…

Mais Michèle Obama n’a pas cette retenue et ces scrupules typiquement français. Aussi n’a – t’elle pas hésité à faire cadeau d’une guitare à Carla Sarkozy-Bruni – et quelle guitare ! – pas une XP que l’on peut trouver dans tous les dépôts-vente machin converters à 80 €, non ! la guitare de Carla est la Rolls des guitares folks, une Gibson, et la première dame de France va pouvoir y gratter les 3 accords et demi qu’elle connaît et même composer trois disques en écrivant des mélodies sur les deux premières lignes de la portée… Si c’est pas jeter l’argent du contribuable américain par les hublots de l’avion « force one » survolant New York, ça !

Le grand gagnant dans cette affaire est notre président, car Carla, en présence du couple présidentiel américain, sera obligée de faire croire qu’elle se sert un peu de sa guitare – Vous savez comme quand la cousine de Rodez vient manger à la maison et qu’à la fin du repas on sort l’horrible service à café rose et or qui est son cadeau de mariage – Alors pour paraître plus grand à côté d’Obama, Nicolas Sarkozy n’aura plus besoin de marcher en faisant des pointes comme une ballerine, il lui suffira de monter sur le coffre de la Gibson.

De la clarté!

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Soyons clairs ! Chanter est un métier à part entière qu’il faut défendre, affirmer au niveau des droits (comme pour l’ensemble des salariés) et des devoirs (par exemple contre le « travail au noir »…). Ceci est une évidence éclatante et notamment depuis les diverses attaques « protocolaires » contre le régime d’indemnisation du chômage des artistes et des techniciens du spectacle (les dispositions de 2006 viennent d’être prolongées…).

Soyons clairs ! Chanter est aussi une passion dont l’expression peut souhaiter autre chose qu’une salle de bain pour s’épanouir… Cette passion a besoin du partage et donc d’un public. Dans quelles conditions cela peut-il exister sans porter préjudice à l’exercice du métier ?

Soyons clairs ! chanter est aussi un art, une expression artistique à part entière qui se moque de toutes les règles pour exister, s’ébattre, prétendre à changer le monde (ou l’accompagner…). Être artiste, ce ne peut donc pas être l’acceptation stricte de règles codifiées d’une profession, aussi noble soit-elle, ce ne peut pas être non plus l’exercice béat d’une quête du plaisir, aussi intense soit-elle…

Soyons clairs !… Tout cela pose questions ; aux créateurs, aux professionnels, comme aux passionnés.