DANS LA BIBLIOTHEQUE DU GRAND MAÎTRE

 

Quelques livres glanés dans la bibliothèque du grand maître de l’Ordre Universel des Chevaliers du Cep

DaumierD’un recueil de poèmes apocryphes du grand Li Po, académicien du vin en Chine depuis le 8ème siècle, au livre calligramme la «Dive Bouteille» de Gilles Vidal, de « Ma muse en vendanges » de Jean-Marc Eylaud au recueil de dessins « Cul sec » signés Desclozeaux chez Albin Michel, des « Cinq proverbes sur le vin » accompagné de gravures de Gautier Constant aux planches de « La vigne et le vin dans l’Art »,…, la vendange est riche et le raisin sucré quand on a eu comme moi le loisir amical de parcourir la bibliothèque d’Alain Causse, grand maître de l’Ordre Universel des Chevaliers du Cep, patron en son temps de La Journée vinicole et des éditions Causse (avec ou sans Graille et Castelnau), tout un pan de l’histoire littéraire de Montpellier et de notre région.

Je lis Li Po  dans « la traduction imaginaire de faux poèmes chinois et avec toutes les libertés » comme l’avoue E.J.Dauphin qui écrivit le recueil. Ecoutez :

« Les oiseaux migrateurs sont passés

Les oiseaux sont revenus

Les feuilles sont tombées

Les arbres ont reverdi

Ma coupe s’est vidée

Ma coupe s’est remplie… »

Voilà que je feuillette à présent le recueil de Desclozeaux qui rassemble les dessins publiés dans Le Monde pour illustrer la rubrique « bouteille » de Jean-Claude Ribaut, parue entre 1997 et 2001.

Un autre poème soudain surgit entre mes mains : « In vino veritas » s’écrie le poète Jean-Marc Eylaud :

« Le vin fait métamorphoses

Il déballe tous ses secrets

Autant les meilleurs que les pires.

Ah ! Quels parloirs ces cabarets… »

Dive bouteille 001Dans la « Dive Bouteille » anthologie humoristique du vin, les citations s’égrènent, jaillissent du calligramme matriciel, le livre lui-même dans son format bordelais. « La seule arme que je tolère, c’est le tire-bouchon » dit Jean Carmet, « Le vin est la partie intellectuelle d’un repas… » analyse Alexandre Dumas, « Si Dieu voulait interdire de boire, aurait-il fait le vin si bon ? » se gargarise Richelieu et la sagesse populaire renchérit « Une barrique de vin peut faire plus de miracles qu’une église pleine de saints »

« Joignons-nous tous au cortège de Bacchus » décrète ailleurs Eugène Causse en introduction à l’exposition rétrospective « La vigne et le vin dans l’Art » (mai octobre 1936 au pavillon de Marsan). Et je regarde Daumier bien sûr, mais aussi la grande tapisserie « Les vendanges » crée au 16ème siècle du côté de Sens, un Bacchus de bronze et quelques coupes en argent…

Ah ! Le vin des peintres et des sculpteurs, le vin des plasticiens, des architectes, des publicitaires, des verriers, des concepteurs d’ustensiles et d’objets…

A nous l’histoire d’une de nos folies !

Chanson

Pour reprendre ici notre chronique sur le Vin des Poètes, nous avons choisi cette chanson du madrigaliste Dufreny, membre éminent mais aujourd’hui totalement oublié du Parnasse contemporain qui accueillit hier les milliers de poètes que connut le 18ème siècle en France dont on dit qu’il fut un siècle sans poète alors que c’est notre conception trop restrictive de la poésie qui est sans doute en cause.

                                                 Pauvre ermite, je veux t’en croire,

                                                           C’est un grand bien 

                                              De n’avoir rien, de ne désirer rien :

                                      Mais désirer du vin, d’en avoir et d’en boire

                                           C’est, ce me semble, un plus grand bien.

Ermite

Tiens : Saint-Saturnin !

Comme l’écrit le poète et chansonnier Patrick Deny :

« Fontaine

je ne boirai pas de ton eau !

Je préfère le vin nouveau

Qui parfume si bien les caves! »

Mais oui ! « Le Vin des Poètes » continue… Dans l’attente de la parution du livre prévue au début du mois d’octobre prochain, voilà que de nouveaux tableaux, de nouvelles chansons nous parviennent dans cette quête incessante qu’est notre vin des poètes.

Aujourd’hui, grâce à Christian Stalla nous avons saisi Saint-Saturnin en pleine action, annexant sans hésitation le terroir du crû éponyme aux vignes du seigneur… Qu’il en soit remercié, comme peut l’être Sophie Jase interprétant salle Pétrarque lors de Montpellier Temps Chante ce cri d’une Femme délaissée (chanson écrite par Guy-Michel Petit).

Je n’ai rien à ajouter.

Ponchon et cie… de Rémo Gary

J’avais vraiment à coeur de vous tenir informés de la dernière parution de Rémo Gary : Ponchon et cie un livre-disque à ouvrir « au couteau de cuisine, page après page », comme le dit l’auteur.

En fait il y a dans le livre des textes « écrits par des camarades, des amis, des collègues, des voisins… », mais aussi les paroles de 19 chansons chantées par Rémo lui-même et écrites par Michèle Bernard, Jacques Bertin, Gaston Couté et quelques autres de même acabit. Excusez du peu ! 

« Pourquoi Ponchon et cie ? » ajoute l’auteur. « Pour célébrer la poésie. Grâce à Raoul Ponchon ! »

Vous savez sans doute déjà le goût que j’ai moi-même pour ce poète. Alors allez sur le site de Rémo Gary et voyez comment vous pouvez vous procurer son livre-disque… Et puis dites-moi ce que vous en pensez. Le Vin des poètes est aussi une fraternité…

Vin des poètes : Le dernier intermède…

 

Pour arriver enfin au bout, permettez-moi de vous offrir ce surréaliste dessin de Desclozeaux réalisé pour les vingt ans de Trinque Fougasse… Superbe n’est-il pas ?! En tous cas pour moi il est la conclusion rêvée pour ce Vin des Poètes virtuel, sublimé par le multimedia et qui nous a permis depuis plus de six mois d’aborder également le vin des peintres comme celui des musiciens… Une vraie aventure dont je suis particulièrement fier et à laquelle je suis heureux d’associer tous ceux, auteurs, passeurs, amis, qui m’ont permis d’accéder aux oeuvres.

Mais place à présent au temps du livre matériel, objet précieux s’il en est, que quelques uns voudraient enfermer dans le carcan des corporatismes, mais qui restera à jamais l’espace concret de la liberté.

Le Vin des Poètes paraîtra « pour de vrai » en octobre prochain ! Qu’on se le dise !

Le vin des poètes – épisode ultime… En guise de conclusion

Parce que je sais qu’il est temps de conclure notre voyage… Un seul mot d’ordre au moment d’accoster au port : plus que jamais, l’humain d’abord !

 

EN GUISE DE CONCLUSION

  Petite veille d’ivresse, sainte ! 

Quand ce ne serait que pour le masque dont tu nous as gratifiés.

    Nous t’affirmons méthode !

Arthur Rimbaud

(Les Illuminations)

Arrivé au bout de ce livre, au moment de conclure donc, voilà que j’ai l’étrange sentiment que, si j’ai beaucoup donné (et à l’aune de mon propre plaisir, disons que je n’ai pas regardé à la dépense), finalement il me reste encore beaucoup de choses à dire. Au bout de quarante ans de « recherches », je n’ai fait finalement qu’effleurer mon sujet et si j’en ai consenti tous les échos, assumé tous les rebonds, il me reste encore bien du chemin à faire. Si j’ai conquis bien des évidences (et je ne m’attendais pas tout à fait, je l’avoue, à une telle récolte), elles ne sont finalement que celles de la poésie, fragiles : ici une chanson inconnue, un poème oublié, un texte, une image, là une poétesse polonaise, un chanteur occitan, un texte classique ou une citation, même sans source… Oui ! Vraiment une belle récolte, mais un peu hasardée, comme l’on va, un verre à la main et sans projet véritable, au-devant d’un domaine, d’un terroir, d’un crû, simplement par esprit d’aventure, une aventure naturiste et prude à la fois, sans religion et sans bravade, dans le naturalisme le plus immédiat !

Ah ! Si la poésie, la littérature, pouvaient se déguster par simples touches hésitantes, d’un coin à l’autre du palais ! Ah ! Si les écrivains, les chansonniers, pouvaient se décliner comme on décline les infimes nuances du parfum, du goût, de la couleur ou de la consistance !

Je l’ai dit quelquefois, le vin est une aventure humaine, le vin est homme… Et parce qu’il en est ainsi, le vin est une aventure très complexe dont on ne peut prétendre saisir facilement tous les bouts.

« Qu’est-ce que le vin ? » interroge par exemple le philosophe Gaston Bachelard dans son livre « La terre et les rêveries du repos ». « C’est un corps vivant » répond-il « où se tiennent en équilibre les « esprits » les plus divers, les esprits volants et les esprits pondérés, conjonction d’un ciel et d’un terroir. Mieux que tout autre végétal, la vigne trouve l’accord des mercures de la terre, donnant ainsi au vin son juste poids… Le vin n’oublie jamais, au plus profond des caves, de recommencer cette marche du soleil dans les « maisons » du ciel. C’est en marquant ainsi les saisons qu’il trouve le plus étonnant des arts : l’art de vieillir… Ainsi un vrai vin appelle le plus sensible des horoscopes. »

Philosophie, ou poésie, mais quel est donc soudain ce vin « alchimiste » qui m’apparaît comme une interrogation un peu délirante, dénuée de tout fondement rationnel et laissant délibérément de côté les données de la science ou de l’histoire ? « Que de poètes, croyant ne vivre que dans un monde de métaphores, ont chanté le vin comme un sang végétal ! L’alchimie parle d’un autre ton » insiste le philosophe qui rajoute : « L’or est le roi des métaux, le lion le roi des animaux. Et c’est la vigne qui est la reine du monde intermédiaire… Le vin est un archétype substantiel du monde de la matière. Il peut être grand ou petit, gros ou délicat, fort ou léger, mais il est toujours pur. »

Ainsi sans doute s’envolent les certitudes liées aux seuls plaisirs. Ainsi s’effritent les silencieux bonheurs de la lecture intime, au « premier degré »…

« Si la poésie a pour caractère de nous révéler une part de l’Etre, si elle naît parfois d’un accord subtil, discret, émouvant, des hommes, des lieux et des saisons, nous devons admettre que les usages ordinaires du vin sont poétiques » nous rassure Pierre Sansot dans son ouvrage « du bon usage de la lenteur ». Et c’est le mot « ordinaires » sans doute qui porte en lui la charge apaisante que procure en effet l’usage du vin, à l’opposé de la quête éternelle, angoissante et angoissée, qui est celle des alchimistes.

« Un certain usage du vin a pour effet de mettre en veilleuse toutes nos fonctions » souligne avec bonhommie Pierre Sansot, comme s’il était besoin de revenir au « naturel ». S’appropriant finalement l’Histoire, notre histoire, il écrit : « Je rapporte la vigne au paysage d’un certain Midi pauvre… En ce temps-là, des familles subsistaient dans des villages sans gloire. Tout y était d’une allure modeste, sans prétention excessive… La vigne recouvrait les terres. Elle n’avait pas la splendeur des blés d’or, ou la beauté ou la tendresse émouvante des vergers du Lot-et-Garonne ou la superbe des Alpes ou l’aménité de la Riviera française. Mais elle était en accord avec leur enfance, leurs manières. Beaucoup plus qu’à la grappe, leur vin se rapportait à ce qu’il y a de rude et de noueux et parfois de pathétique dans les ceps… Nous comprenons leur colère quand il fut question de maltraiter leurs vignobles. Il y eut la volonté de protéger leur survie mais aussi une violente colère à l’idée qu’on les tenait pour quantité négligeable à travers ce qu’ils produisaient et qui était comme leur œuvre. » Et plus loin : « J’associe la vigne à la Méditerranée… parce que dans ce paysage dépouillé, parfois difficile, le vin exprime le même dépouillement. Il nous apparaît non comme un luxe, un privilège, mais comme un élément originel… »

Beautés de la philosophie ! De la sociologie ! De l’ethnologie ! Splendeurs de la conscience collective qui s’inscrit au plus profond des êtres, même les plus simples, surtout chez les plus simples.

« Le vin est senti par la nation française comme un bien qui lui est propre, au même titre que ses trois cent soixante espèces de fromages et sa culture. C’est une boisson totem » proclame Roland Barthes dans ses « Mythologies ». Nous sommes en 1956. Il poursuit : « A vrai dire, comme tout totem vivace, le vin supporte une mythologie variée qui ne s’embarrasse pas de contradictions… » « Il peut servir d’alibi aussi bien au rêve qu’à la réalité, cela dépend des usagers du mythe ». Et il ajoute : Mais ce qui a de particulier à la France, c’est que le pouvoir de conversion du vin n’est jamais donné ouvertement comme une fin… Croire au vin est un acte collectif contraignant ; le Français qui prendrait quelque distance à l’égard du mythe s’exposerait à des problèmes menus mais précis d’intégration, dont le premier serait justement d’avoir à s’expliquer. » S’expliquer ? « Savoir boire est une technique nationale qui sert à qualifier le Français, » précise encore Barthes « à prouver à la fois son pouvoir de performance, son contrôle et sa sociabilité. Le vin fonde ainsi une morale collective à l’intérieur de quoi tout est racheté… »

Il reste cependant que le vin est aussi cette aventure intime, dramatique, que certains ont brandi comme l’ultime bravade, comme le pied-de-nez absolu face à la froideur et à la brutalité du monde.

« Dans le petit nombre des choses qui m’ont plu et que j’ai su bien faire, ce qu’assurément j’ai su faire le mieux, c’est boire… » proclame ainsi Guy Debord, fondateur de l’Internationale situationniste, « inventeur » de la société du spectacle, et qui érigea la provocation comme acte révolutionnaire par excellence. « J’ai aimé ce qui est au-delà de la violente ivresse : une paix magnifique et terrible, le vrai goût du passage du temps » décrit-il, avant de nous entraîner avec lui dans sa critique d’un système où « les progrès de l’industrie, comme le mouvement de disparition ou de rééducation économique des classes sociales… et donc le jeu des divers règlements étatiques » ont abouti à la disparition des boissons authentiques et vraies. « Ni moi, ni les gens qui ont bu avec moi, nous ne nous sommes à aucun moment sentis gênés de nos excès. Au banquet de la vie, nous nous étions assis sans avoir pensé un seul instant que tout ce que nous buvions avec une telle prodigalité ne serait pas ultérieurement remplacé pour ceux qui viendraient après nous. De mémoire d’ivrogne, on n’avait pas imaginé que l’on pouvait voir les boissons disparaître du monde avant le buveur. » Formidable constat que n’avaient pas vraiment imaginé les poètes, les chansonniers présents dans ce livre et dans ce « banquet de la vie » où ils se sont assis eux aussi avec tant de prodigalité.

Et si c’était Gaston Bachelard qui avait le dernier mot ? « Le vin est vraiment un universel qui sait se rendre singulier » écrit-il au bout de ses réflexions. Et il ajoute : « S’il trouve toutefois un philosophe qui sache le boire. » Santé !

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A boire : la rose, la bouteille et la poignée de main !

Quoi ! Encore un spectacle sur le vin ! Et monté dans le cadre de la Scène Nationale de Sète ! Au chai Skalli !… Courrez-y ! Cela commence ce soir (et jusqu’à vendredi) à 20h30 et il paraît qu’il y aura des chansons, des poèmes, des citations sur le thème du…vin ! Quelle belle idée n’est-ce pas ! Il paraît même que ce sera « un spectacle de cabaret »…(Non ! Pas le Cabaret du Vin !) et qu’on pourra aussi déguster,  chanter et même se restaurer

Vin des poètes : épisode 31…

Et nous voilà presque à la dernière étape… sur les routes de l’Orient, du côté de Samarkande et de Nichâpour, dans une maison du vin…

Omar KHAYAM

RUBAYAT

« Les Rubayat »… En ont-ils alimenté des chimères ces quatrains mythiques venus de la Route de la Soie, du côté de Samarkande, ou plutôt de Nichâpour, la ville qui, pour tous les caravaniers, au sortir du désert, avait le goût du paradis sur terre…

Or avec Omar Khayam, c’est le vin qui était le brasier de ces chimères, le vin et son inépuisable goût de la liberté.

Que ces quelques citations de Rubayat soient un hommage à tous ceux qui ont su et savent aujourd’hui encore, affirmer leur goût de l’indépendance d’esprit, leur rejet du fanatisme et de l’inhumanité que celui-ci implique nécessairement.

Nous utilisons ici la traduction d’Armand Robin parue initialement au Club Français du Livre puis reprise par les éditions Gallimard.

Le temps sans serveuse et sans vin c’est rien !

Sans les mélodies de la flûte c’est rien !

Plus je regarde les choses d’ici… et plus je me dis

Sans les filles et sans le vin c’est rien ! 

 

Khayam si tu as du vin trouve-toi bien

Près d’une jolie à joues de tulipe si tu es assis trouve-toi bien !

Puisque la fin des affaires du monde c’est rien

Dis rien à ce rien ! Puisque tu vis trouve-toi bien !

 

Ils disent tous : « il y aurait, il y a même un enfer »

Blablabla ! le cœur ne doit pas s’émouvoir

Si tous ceux qui boivent et font l’amour sont de l’enfer

Alors demain le Paradis comme le creux de ma main sera désert.

 

Poète, mais aussi savant, astronome, Omar Khayam, en dépit de toutes ses qualités d’homme, s’est très vite trouvé en butte aux injonctions des dogmatiques, aux ukases des religieux, des puissants, qui l’ont contraint à une sorte d’exil volontaire…

Entouré de quelques amis, inlassablement retrouvés dans les maisons du vin, toujours prêt aux plaisirs simples où le portaient ses goûts, il vécut loin de tout, écrivant de loin en loin quelques-uns de ses fameux quatrains.

J’ai envie de vin sincère ! et que ce soit perpétuellement !

Si après ma mort, le potier fait de ma poussière un pot,

Alors, que ce soit plein de vin sincère !

et que ce soit perpétuellement !

 

Tous les plaisirs, je les ai voulus… Et puis ?

Tous les livres, je les ai lus… Et puis ?

Khayam, tu vas vivre, admettons, cent ans…

Mettons, si tu veux, cent ans de plus… Et puis ?

 

Holà l’orchestre ! Holà du vin ! Que je puisse crier : vive le matin !

Qu’il est beau le sort de celui qui pense à remplir son verre de vin de bon matin

Sur terre il y a trois choses dont nous avons vraiment besoin ;

Le verre de vin, la jolie comme une tulipe, et les soupirs du matin.

 

 

Dans la Perse de la fin du 11ème siècle, pays aujourd’hui réparti entre l’Iran et l’ancienne république soviétique du Turkménistan, il y avait une civilisation brillante, à la pointe des arts et des sciences…

La plupart des Rubayat d’Omar Khayam font référence au vin, à l’ivresse et à la clairvoyance philosophique qu’ils suscitent chez celui qui boit.

Accessibles depuis le 19ème siècle ils ont donné lieu à de multiples traductions, parfois contradictoires.

 

Le vin bien que la Sainte Loi l’insulte est délicieux

Versé par une jolie à joues de tulipe il est tout à fait délicieux

Même amer même interdit je l’aime beaucoup

Et puis c’est une vieille loi : ce qui est interdit est délicieux !

 

Vends le Coran vends tous les livres saints pour du vin !

Aurais-tu des mosquées vends les pour du vin !

Echange un royaume pour un verre de vin :

Le ciel bol à l’envers redresse-le en bol de vin !

 

Un seul verre de vin ça vaut bien un empire !

Le bouchon sur le pot de vin ça vaut bien mille cœurs !

Le linge qui essuie la bouche des buveurs de vin

En vérité ça vaut bien mille manteaux austères.

 

Les journées qui passent font honte à celui

qui reste là chagrin sur ses jours

bois du vin en écoutant l’élégie de la flûte

avant que le verre soit brisé contre la pierre .

 

[audio:http://www.actechanson.fr/wp-content/upload/13-Rubayat1.mp3|titles=13-Rubayat]

Pour quelques hectares de moins !

Ah ! La sieste ! ce prodige de gestion des rythmes et de technologie de l’horizontalité… Sans doute fallait-il être vigneron – vigneron associant – du pic Saint-Loup pour en affirmer les principes rigoureux au moment grave du printemps naissant…

Ainsi en est-il en tous cas d’une des perles du nouvel ouvrage de Christophe Beau qui, après La danse des ceps poursuit ses aventures vigneronnes collectives pour vivre la vigne et le vin en liberté… Une perle dans un « collier » qui nous conduit d’un petit village du nord-est héraultais jusqu’au Chili, dans le Minnesota ou en Thaïlande, dans la quête échevelée de nouveaux modes de propriété, de nouveaux liens avec les consommateurs, de nouvelles pratiques culturales et de nouvelles formes d’économie des ressources…

On y apprend aussi l’existence des vins de fruits qui conduisent nécessairement à comprendre que le raisin est le fruit élu des dieux pour faire du vin naturel…

Un ouvrage indispensable pour qui aime le vin et… sa poésie !

Le vin des poètes – épisode 30…

Un grand coup de vent sur nos certitudes, avec deux écrivains atypiques…

 

Joseph DELTEIL

Fils de charbonnier, vigneron du midi choisissant un jour « la vraie vie »,…, grand écrivain de la première moitié du 20ème siècle, auteur de livres à l’écriture somptueuse, charnelle, mais pour certains justement oubliés, Joseph Delteil ne pouvait être tenu à l’écart de ce livre.

Né au fin fond des Corbières, à Villard-en-Val, installé pendant 40 ans à Grabels, tout près de Montpellier, il nous a en effet donné quelques très belles pages sur le vin, telles ce « Chant du vin » extrait de « La Foire à Paris ».

 

VA AU VIN…

Le serpent, madame, qui tenta Eve, il avait, je le sens, la forme  d’une bouteille de vin. Le vin est le plus antique compagnon de l’homme. Toujours il fut un peu là aux grandes dates de l’humanité. Quelque chose de mystérieux, de sacré même, est en lui…

Elever, créer le vin, quelle auguste fonction ! Il y faut les connaissances, les loisirs, les vertus les plus diverses et les plus rares. Car le vin est un être vivant qui, dans sa prison de verre, respire, mue, chante et peut-être pense…

Entre le vin et l’amour, de tout temps, les poètes ont pris soin de marquer l’alliance et la quasi-conjugaison. Le vin divin, le vin d’amour : voilà ses deux attributs, ses deux titres de gloire…  

Toi qui te repais de songe et d’absolu, va au vin ; toi qui cherches le sens des choses, toi qui hèles la justice et la vérité, va au vin ; toi qui aimes la sagesse, va au vin !

 

 Il y a réellement du mystère dans les choses du vin, vous savez, dans les choses de la vigne. Les gens de la ville ont toujours l’air de penser que le vin se fait tout seul. Moi, au contraire, chaque fois que nous vendangeons, je réfléchis, j’ai peur et je me dis : « Mais comment est-ce possible ? Peut-être que cette fois, ça ne va pas marcher du tout. » Je reste planté devant les tonneaux, j’écoute, mon cœur bat comme si, pour la première fois depuis que le monde est monde, j’assistais à la naissance du vin.

 

LA CUISINE PALEOLITHIQUE

Il s’agit de faire front, de retrouver terre, dans le grand affolement des cœurs et des âmes.

 Grand ami du journaliste Frédéric-Jacques Temple, Joseph Delteil a participé à des dizaines d’interviews sur les ondes de la radio diffusion régionale dont Temple était le directeur. C’est au cours d’un de ces entretiens qu’il précisa :

Pour le vin il faut, je vous jure, une espèce d’amour. Et si vous y mettez un peu de foi, d’amitié , alors seulement il se crée entre le vin et vous une espèce de connivence. Oui, c’est le mot : une connivence !

Profitons-en pour saluer la belle connivence qui s’établit un jour entre le vigneron Joseph Delteil et son jeune voisin grabellois, à la Tuilerie de Massane, Jean-Paul Court, grand delteillien s’il en est.

Cette « Cuisine paléolithique » transposée par Jean-Paul Court d’après l’œuvre de Delteil en est un magnifique fruit.

 

A la source à la source Entre cent j’choisis mon pain

A la source à la source De mes pieds je foul’ mon vin.

 

1- Sans un style à feu vif, comment parler cuisine ?

 C’est pure allégria, joie du cœur, bel canto.

Avec un grain de sel sur la queue de l’oiseau

Le patois que je parle est proche des origines ! 

Ne croyez surtout pas aux recettes mirifiques,

Ne vous attendez pas à de grandes trouvailles.

J’ai voulu préserver quelques points de détail :

La cuisine de Dieu est paléolithique.

 

2- Janvier, le mois du porc, cochonnailles et fromages,

Février belles viandes, truffes et coquillages,

La salade de mars, cannetons et poissons,

Avril et ses agneaux, les veaux, les champignons !  

Les asperges de mai, la fève, l’ortolan,

Juin : le temps des cerises et des adolescents.

Juillet avec la caille dans sa feuille de vigne,

Au mois d’août tous les fruits dans le verger s’alignent !

 

3- Septembre c’est la chasse, figues et champignons,

Octobre le grand mois, avec le vin nouveau,

Novembre le chapon et les marrons bien chauds,

Décembre encore la truffe et Seigneur Réveillon !… 

Recette du lapin à la paléolithique :

Attraper un beau gros lapin de garenne en pleine course, par les oreilles ; l’attacher par les pattes arrières à un joli tronc d’arbre – si possible un résineux – au centre d’un bois de quelque vingt, vingt-cinq hectares ; sans plus de façons mettre le feu à toute la forêt ; Manger la bête sans sel, assis sur les roches encore chaudes et parmi les odeurs divines de cet incendie sylvestre.  

Je veux vivre une vie comme les premiers hommes,

Une vie naturelle comme il y a cent mille ans,

J’ai inscrit au fronton de ma maison des champs :

Il faut vivre de peu ! A mort l’ère de l’atome !

 

Charles CROS

 

La chanson que nous donnons ici n’est peut-être pas le chef d’œuvre du Fabrezanais  Charles Cros auteur dans le dernier quart du 19ème siècle de divers travaux scientifiques et d’une oeuvre poétique toute de symbolisme… Mais elle lui permettra – sans doute – lui qui mourut d’excès de toutes sortes (et notamment dans le domaine de la boisson) de gagner l’immortalité.

 Mise en musique et harmonisée par Jean-Marc Boudet, musicien à l’Orchestre de Montpellier, compositeur, fondateur-animateur de la Guinguette à six sous,…, cette Chanson des Hydropathes était l’hymne du club du même nom, dans les années qui suivirent la Commune, à Paris.

LA CHANSON DES HYDROPATHES

[audio:http://www.actechanson.fr/wp-content/upload/08-Chanson-des-hydropathes.mp3|titles=08-Chanson des hydropathes]

Le vin est un liquide rouge

Sauf le matin quand il est blanc

On en boit dix on boit vingt coups et vlan

Quand on en a trop bu tout bouge

Buvons donc le vin rigolo

Blanc le matin rouge à la brune

Qu’il fasse clair de soleil clair de lune

Nous souffrons de l’eau, nous souffrons de l’eau 

Hy hy hy hy

hydropathes chantons en chœur

La noble chanson des liqueurs

hydropathes chantons en chœur

La noble chanson des liqueurs  

Dorée de futures aurores

La bière est un liquide amer

Il nous en faudrait une mer

Pour rincer nos gosiers sonores

Les bocks font bien dans le tableau

Buvons la bière blonde ou brune

Qu’il fasse clair de soleil clair de lune

Nous souffrons de l’eau, nous souffrons de l’eau

Refrain 

Le vermouth le bitter l’absinthe

Nous font des trous dans le gésier

On ne peut que s’extasier

Sur l’éclat de leur triple teinte

Rouge jeune vert triple flot

Diaprant la foule commune

Qu’il fasse clair de soleil clair de lune

Nous souffrons de l’eau, nous souffrons de l’eau

Refrain