Le vin des poètes – épisode 30…

Un grand coup de vent sur nos certitudes, avec deux écrivains atypiques…

 

Joseph DELTEIL

Fils de charbonnier, vigneron du midi choisissant un jour « la vraie vie »,…, grand écrivain de la première moitié du 20ème siècle, auteur de livres à l’écriture somptueuse, charnelle, mais pour certains justement oubliés, Joseph Delteil ne pouvait être tenu à l’écart de ce livre.

Né au fin fond des Corbières, à Villard-en-Val, installé pendant 40 ans à Grabels, tout près de Montpellier, il nous a en effet donné quelques très belles pages sur le vin, telles ce « Chant du vin » extrait de « La Foire à Paris ».

 

VA AU VIN…

Le serpent, madame, qui tenta Eve, il avait, je le sens, la forme  d’une bouteille de vin. Le vin est le plus antique compagnon de l’homme. Toujours il fut un peu là aux grandes dates de l’humanité. Quelque chose de mystérieux, de sacré même, est en lui…

Elever, créer le vin, quelle auguste fonction ! Il y faut les connaissances, les loisirs, les vertus les plus diverses et les plus rares. Car le vin est un être vivant qui, dans sa prison de verre, respire, mue, chante et peut-être pense…

Entre le vin et l’amour, de tout temps, les poètes ont pris soin de marquer l’alliance et la quasi-conjugaison. Le vin divin, le vin d’amour : voilà ses deux attributs, ses deux titres de gloire…  

Toi qui te repais de songe et d’absolu, va au vin ; toi qui cherches le sens des choses, toi qui hèles la justice et la vérité, va au vin ; toi qui aimes la sagesse, va au vin !

 

 Il y a réellement du mystère dans les choses du vin, vous savez, dans les choses de la vigne. Les gens de la ville ont toujours l’air de penser que le vin se fait tout seul. Moi, au contraire, chaque fois que nous vendangeons, je réfléchis, j’ai peur et je me dis : « Mais comment est-ce possible ? Peut-être que cette fois, ça ne va pas marcher du tout. » Je reste planté devant les tonneaux, j’écoute, mon cœur bat comme si, pour la première fois depuis que le monde est monde, j’assistais à la naissance du vin.

 

LA CUISINE PALEOLITHIQUE

Il s’agit de faire front, de retrouver terre, dans le grand affolement des cœurs et des âmes.

 Grand ami du journaliste Frédéric-Jacques Temple, Joseph Delteil a participé à des dizaines d’interviews sur les ondes de la radio diffusion régionale dont Temple était le directeur. C’est au cours d’un de ces entretiens qu’il précisa :

Pour le vin il faut, je vous jure, une espèce d’amour. Et si vous y mettez un peu de foi, d’amitié , alors seulement il se crée entre le vin et vous une espèce de connivence. Oui, c’est le mot : une connivence !

Profitons-en pour saluer la belle connivence qui s’établit un jour entre le vigneron Joseph Delteil et son jeune voisin grabellois, à la Tuilerie de Massane, Jean-Paul Court, grand delteillien s’il en est.

Cette « Cuisine paléolithique » transposée par Jean-Paul Court d’après l’œuvre de Delteil en est un magnifique fruit.

 

A la source à la source Entre cent j’choisis mon pain

A la source à la source De mes pieds je foul’ mon vin.

 

1- Sans un style à feu vif, comment parler cuisine ?

 C’est pure allégria, joie du cœur, bel canto.

Avec un grain de sel sur la queue de l’oiseau

Le patois que je parle est proche des origines ! 

Ne croyez surtout pas aux recettes mirifiques,

Ne vous attendez pas à de grandes trouvailles.

J’ai voulu préserver quelques points de détail :

La cuisine de Dieu est paléolithique.

 

2- Janvier, le mois du porc, cochonnailles et fromages,

Février belles viandes, truffes et coquillages,

La salade de mars, cannetons et poissons,

Avril et ses agneaux, les veaux, les champignons !  

Les asperges de mai, la fève, l’ortolan,

Juin : le temps des cerises et des adolescents.

Juillet avec la caille dans sa feuille de vigne,

Au mois d’août tous les fruits dans le verger s’alignent !

 

3- Septembre c’est la chasse, figues et champignons,

Octobre le grand mois, avec le vin nouveau,

Novembre le chapon et les marrons bien chauds,

Décembre encore la truffe et Seigneur Réveillon !… 

Recette du lapin à la paléolithique :

Attraper un beau gros lapin de garenne en pleine course, par les oreilles ; l’attacher par les pattes arrières à un joli tronc d’arbre – si possible un résineux – au centre d’un bois de quelque vingt, vingt-cinq hectares ; sans plus de façons mettre le feu à toute la forêt ; Manger la bête sans sel, assis sur les roches encore chaudes et parmi les odeurs divines de cet incendie sylvestre.  

Je veux vivre une vie comme les premiers hommes,

Une vie naturelle comme il y a cent mille ans,

J’ai inscrit au fronton de ma maison des champs :

Il faut vivre de peu ! A mort l’ère de l’atome !

 

Charles CROS

 

La chanson que nous donnons ici n’est peut-être pas le chef d’œuvre du Fabrezanais  Charles Cros auteur dans le dernier quart du 19ème siècle de divers travaux scientifiques et d’une oeuvre poétique toute de symbolisme… Mais elle lui permettra – sans doute – lui qui mourut d’excès de toutes sortes (et notamment dans le domaine de la boisson) de gagner l’immortalité.

 Mise en musique et harmonisée par Jean-Marc Boudet, musicien à l’Orchestre de Montpellier, compositeur, fondateur-animateur de la Guinguette à six sous,…, cette Chanson des Hydropathes était l’hymne du club du même nom, dans les années qui suivirent la Commune, à Paris.

LA CHANSON DES HYDROPATHES

[audio:http://www.actechanson.fr/wp-content/upload/08-Chanson-des-hydropathes.mp3|titles=08-Chanson des hydropathes]

Le vin est un liquide rouge

Sauf le matin quand il est blanc

On en boit dix on boit vingt coups et vlan

Quand on en a trop bu tout bouge

Buvons donc le vin rigolo

Blanc le matin rouge à la brune

Qu’il fasse clair de soleil clair de lune

Nous souffrons de l’eau, nous souffrons de l’eau 

Hy hy hy hy

hydropathes chantons en chœur

La noble chanson des liqueurs

hydropathes chantons en chœur

La noble chanson des liqueurs  

Dorée de futures aurores

La bière est un liquide amer

Il nous en faudrait une mer

Pour rincer nos gosiers sonores

Les bocks font bien dans le tableau

Buvons la bière blonde ou brune

Qu’il fasse clair de soleil clair de lune

Nous souffrons de l’eau, nous souffrons de l’eau

Refrain 

Le vermouth le bitter l’absinthe

Nous font des trous dans le gésier

On ne peut que s’extasier

Sur l’éclat de leur triple teinte

Rouge jeune vert triple flot

Diaprant la foule commune

Qu’il fasse clair de soleil clair de lune

Nous souffrons de l’eau, nous souffrons de l’eau

Refrain

 

2 réponses sur “Le vin des poètes – épisode 30…”

  1. F. HÖLDERLIN – L’ ARCHIPEL – EXTRAITS

    […]

    Père Archipel ! me voici près de toi saluant ton repos !

    Car tu vis, ô Puissant ! et toujours sans vieillir tu reposes dans l’ombre
    De tes monts, comme alors, et toujours étreignant de tes bras de jeune homme
    La terre que tes vagues entourent, le pays ravissant de tes filles.
    Pas une île perdue ! Oh, pas une des fleurs de tes eaux n’est perdue !
    Crète est debout et Salamine a reverdi, et, sous la lueur des lauriers
    Ornée d’une auréole de rayons, à l’heure où s’enflamme l’aurore,
    Délos élève son front inspiré ! Et Ténos et Chios
    Regorgent de fruits empourprés, et, du haut de ses collines ivres,
    La boisson de Cypros ruisselle, et, sur les pentes de Kalauria
    Comme alors, les ruisseaux argentés gagnent l’onde ancestrale du Père !
    Toutes sont là, les îles, les mères immortelles des Héros.
    Les printemps successifs voient leurs fleurs ; mais au temps où du fond de l’abîme
    La flamme de la nuit, l’ouragan souterrain déchaînant sa fureur,
    Saisissait tout à coup l’une d’elles et jetait dans ton sein la mourante,
    Tu restais patient et divin, car ta face impassible aura vu
    Plus d’un monde apparaître et sombrer sur les gouffres remplis de ténèbres.

    […]

    L’Archipel – Pages – 823-824
    Traduction : Jean Tardieu, Philippe Jaccottet et Gustave Roud

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