Et nous voilà presque à la dernière étape… sur les routes de l’Orient, du côté de Samarkande et de Nichâpour, dans une maison du vin…
Omar KHAYAM
RUBAYAT
« Les Rubayat »… En ont-ils alimenté des chimères ces quatrains mythiques venus de la Route de la Soie, du côté de Samarkande, ou plutôt de Nichâpour, la ville qui, pour tous les caravaniers, au sortir du désert, avait le goût du paradis sur terre…
Or avec Omar Khayam, c’est le vin qui était le brasier de ces chimères, le vin et son inépuisable goût de la liberté.
Que ces quelques citations de Rubayat soient un hommage à tous ceux qui ont su et savent aujourd’hui encore, affirmer leur goût de l’indépendance d’esprit, leur rejet du fanatisme et de l’inhumanité que celui-ci implique nécessairement.
Nous utilisons ici la traduction d’Armand Robin parue initialement au Club Français du Livre puis reprise par les éditions Gallimard.
Le temps sans serveuse et sans vin c’est rien !
Sans les mélodies de la flûte c’est rien !
Plus je regarde les choses d’ici… et plus je me dis
Sans les filles et sans le vin c’est rien !
Khayam si tu as du vin trouve-toi bien
Près d’une jolie à joues de tulipe si tu es assis trouve-toi bien !
Puisque la fin des affaires du monde c’est rien
Dis rien à ce rien ! Puisque tu vis trouve-toi bien !
Ils disent tous : « il y aurait, il y a même un enfer »
Blablabla ! le cœur ne doit pas s’émouvoir
Si tous ceux qui boivent et font l’amour sont de l’enfer
Alors demain le Paradis comme le creux de ma main sera désert.
Poète, mais aussi savant, astronome, Omar Khayam, en dépit de toutes ses qualités d’homme, s’est très vite trouvé en butte aux injonctions des dogmatiques, aux ukases des religieux, des puissants, qui l’ont contraint à une sorte d’exil volontaire…
Entouré de quelques amis, inlassablement retrouvés dans les maisons du vin, toujours prêt aux plaisirs simples où le portaient ses goûts, il vécut loin de tout, écrivant de loin en loin quelques-uns de ses fameux quatrains.
J’ai envie de vin sincère ! et que ce soit perpétuellement !
Si après ma mort, le potier fait de ma poussière un pot,
Alors, que ce soit plein de vin sincère !
et que ce soit perpétuellement !
Tous les plaisirs, je les ai voulus… Et puis ?
Tous les livres, je les ai lus… Et puis ?
Khayam, tu vas vivre, admettons, cent ans…
Mettons, si tu veux, cent ans de plus… Et puis ?
Holà l’orchestre ! Holà du vin ! Que je puisse crier : vive le matin !
Qu’il est beau le sort de celui qui pense à remplir son verre de vin de bon matin
Sur terre il y a trois choses dont nous avons vraiment besoin ;
Le verre de vin, la jolie comme une tulipe, et les soupirs du matin.
Dans la Perse de la fin du 11ème siècle, pays aujourd’hui réparti entre l’Iran et l’ancienne république soviétique du Turkménistan, il y avait une civilisation brillante, à la pointe des arts et des sciences…
La plupart des Rubayat d’Omar Khayam font référence au vin, à l’ivresse et à la clairvoyance philosophique qu’ils suscitent chez celui qui boit.
Accessibles depuis le 19ème siècle ils ont donné lieu à de multiples traductions, parfois contradictoires.
Le vin bien que la Sainte Loi l’insulte est délicieux
Versé par une jolie à joues de tulipe il est tout à fait délicieux
Même amer même interdit je l’aime beaucoup
Et puis c’est une vieille loi : ce qui est interdit est délicieux !
Vends le Coran vends tous les livres saints pour du vin !
Aurais-tu des mosquées vends les pour du vin !
Echange un royaume pour un verre de vin :
Le ciel bol à l’envers redresse-le en bol de vin !
Un seul verre de vin ça vaut bien un empire !
Le bouchon sur le pot de vin ça vaut bien mille cœurs !
Le linge qui essuie la bouche des buveurs de vin
En vérité ça vaut bien mille manteaux austères.
Les journées qui passent font honte à celui
qui reste là chagrin sur ses jours
bois du vin en écoutant l’élégie de la flûte
avant que le verre soit brisé contre la pierre .
[audio:http://www.actechanson.fr/wp-content/upload/13-Rubayat1.mp3|titles=13-Rubayat]
Une pensée sur “Vin des poètes : épisode 31…”