Le temps des chansons continue : quand boire est le lieu de toutes les nostalgies…
Francis LEMARQUE
« A Paris », « Marjolaine », « Quand un soldat »… tels sont quelques uns des titres de chansons attachés au nom de Francis Lemarque qui – près de dix ans après sa mort – demeure encore un des grands noms de la chanson française.
Dans ses plongées dans la capitale qu’il a chantée mieux que personne, il ne pouvait que s’arrêter dans un de ces multiples bistrots qui accompagnaient alors le Paris populaire.
[audio:http://www.actechanson.fr/wp-content/upload/Le_Bar_Du_Dernier_Verre.mp3|titles=Le_Bar_Du_Dernier_Verre]AU BAR DU DERNIER VERRE
Au bar du dernier verre, un soir
Que j’étais seul, j’ai cru revoir
Comme à travers un vieux miroir
Tous les amis de ma jeunesse
Aucun ne paraissait me voir
Cette nuit-là, j’ai bu sans cesse
Au bar du dernier verre, un soir
Que j’étais seul, j’ai cru revoir
{Refrain:}
Amis, buvons
Comme au beau temps
De nos vingt ans
Amis, buvons
Comme naguère
Si l’un seul de vous m’est rendu
Rien n’est perdu
Amis, buvons
Un dernier verre
Amis, buvons
J’ai bu jusqu’au petit matin
A leur santé, d’un air lointain
Le miroir n’avait plus de tain
Ils semblaient m’attendre derrière
Et souriaient d’un air lointain
Pour chacun, j’ai levé mon verre
Buvant jusqu’au petit matin
A leur santé, d’un air lointain
{au Refrain}
Peut-être bien qu’ils étaient morts
Il pleuvait doucement dehors
Et j’emportais comme un remords
Ma solitude et ma misère
Quand j’ai laissé mes amis morts
Ce soir, au bar du dernier verre
Il pleuvait doucement dehors
Et j’emportais comme un remords
{au Refrain}
Mes amis, je vois le temps
De nos vingt ans
Glisser dans l’ombre et la poussière
Aucun de vous ne m’est rendu
Tout est perdu
Mais je veux boire encore un verre
Le dernier verre
Au temps perdu
Au temps perdu
Claude NOUGARO
Quelle étrange chanson que cet impossible hommage à un clochard, même pas céleste, et dont le vin, l’impossible pinard-vinasse que nous ne connaissons plus, accompagne la déchéance !
L’ivresse a souvent été présente dans les chansons de Claude Nougaro – on se souvient bien sûr de « Je suis saoul » – mais rarement (et aussi violemment) autant que dans ce pauvre Clodi Clodo où elle atteint un tel degré de destruction, presque d’inhumanité…
Permettez-moi de ne pas me demander pourquoi et de considérer cette chanson passant dans ces pages comme les Grecs, au milieu des orgies, faisaient apporter un cadavre : pour ne pas oublier la condition humaine !
[audio:http://www.actechanson.fr/wp-content/upload/Clodi_Clodo.mp3|titles=Clodi_Clodo]CLODI CLODO
Litron dans la poche, traînant la galoche
Voici que s’approche le clodo
Tous les quinze mètres, minute, il s’arrête
Pour visser sa tête à son goulot
Sur un banc bien stable de l’avenue Junot
Il se met à table, sort son livarot
Et malheur aux mouches, qui ont l’eau à la bouche
Il fait toujours mouche, il les tue d’un rot
Clodi Clodo
Ensuite il allonge sa carcasse et plonge
Plein comme l’éponge l’est de l’eau
Dans une ronflette avec sa liquette
Hors de sa braguette anti-porno
Car pour lui le sexe, c’est plus qu’un tuyau
Fait pour qu’on déverse du champagne chaud
Car pour lui, la femme, c’est plus au programme
De sa vie d’infâme chiqueur de mégots
Clodi Clodo
A part cette garce, harnachée de crasse
Dont la seule grâce, le seul joyau
C’est qu’elle semble faite pour payer les fêtes,
Sauciflard, baguette, tord-boyaux
Parfois il l’entraîne voir couler le flot
Du fleuve la Seine au pont Mirabeau
Quand la lune, jaune camembert, se donne
Ses airs de madone d’avant Apollo
Clodi Clodo
Soyons bonne poire, versons un pourboire
Dans la patte noire du clodo
Pendant que tout foire, lui sur la mer Noire
De son rouge pinard, ho hisse et ho
Il craque et titube comme un vieux rafiot
En gueulant un tube de tuberculo
Litron dans la fouille, traînant sa gadouille
Il part en quenouille dans l’avenue Junot
Clodi Clodo
Clodi Clodo
JULIETTE
Je me souviens de la première fois où j’entendis Juliette : nous étions douze dans une toute petite salle de Montpellier et c’était… fascinant !
Quelques centaines de milliers de spectateurs après, elle est toujours l’une des plus étonnantes chanteuses d’aujourd’hui, et aucun sujet ne lui est étranger : surtout pas le vin
!
[audio:http://www.actechanson.fr/wp-content/upload/04-Létoile-Rouge.mp3|titles=04 L’étoile Rouge]
L’ETOILE ROUGE
Au bar de l’Étoile Rouge
Il y a bien longtemps
Je servais des canons de rouge
Aux potes à maman
Ça s’enivrait à la gloire
Du kir et des communards
Rêvant du Grand Soir
Je m’souviens de Vassiliev
Parti en dix-sept à Kiev
Donner vie au rêve
Pauvre moujik qui, autrefois,
N’possédais pas même tes mains
Il ne te resta qu’un bras
Au moins, c’était le tien
Gais rossignols
Cerises et carmagnoles
Quels choeurs, quels luths
Rechanteront ces luttes
Pour ressusciter les Rouges
Du bar de l’Étoile Rouge ?
C’est en trente-six que Pablo
S’en alla bâtir
L’avenir et les châteaux
Sur l’Guadalquivir
Il tomba sous la mitraille
En braillant à plein poitrail
« Ay Carmela ay ! »
Puis Anna chez Benito
A fait changer le tempo
Ô bella ciao, ciao, ciao !
L’hymne eut raison de l’idole
Bottes en l’air et nez au sol
Mais toutes ces cabrioles
Rendirent Anna folle
Et mon index
Trempé dans le Jerez
Sur le mur blanc
Traça « No pasaran »
En hommage à tous les Rouges
Du bar de l’Étoile Rouge
Au bar de l’Étoile Rouge
Reste plus que moi
Une vieille que les canons d’rouge
Ne mettent plus en joie
Il y a toujours sur le mur
Écrit le cri des purs et durs
Mais chacun s’en moque
« No pasaran, c’est du passé ! »
Me disent des clients pressés
Faut changer d’époque
Mais même si ce goût de goulag
Dans mon verre en cristal de Prague
M’a tiré des pleurs
L’avenir est-il si radieux
Que l’on oublie celles et ceux
Qui l’ont rêvé meilleur ?
Anna, Pablo,
Vassiliev, de là-haut
De tout là-haut
Prév’nez vos petits frères
Que le bar
Même tard
Restera ouvert
Anne SYLVESTRE
Bourguignonne, comme Colette, Anne Sylvestre (que l’on appelait alors la « Brassens en jupons ») a manifestement sacrifié avec plaisir et connivence au rite de la chanson sur le thème du vin.
Nous n’étions alors il est vrai qu’au milieu des années 60 et on pouvait, sans crainte de la maréchaussée, avouer sa passion pour la dive bouteille… Déjà elle écrivait : Je m’effraye qu’on ne sache plus, merveille, boire un coup… Que dirait-elle aujourd’hui ? Peut-être après tout qu’on ne connaît guère de poète ou de chansonnier qui ait revendiqué d’être sponsorisé par le Ministère de la Santé…
Heureusement !
COMME MON GRAND-PERE LOUIS
Comme mon grand-père Louis
Saluant d’un chapeau digne
Ses arpents de pieds de vigne
Reconnaissant, ébloui
Comme mon grand-père qui
Devant un crû de Bourgogne
Se découvrait sans vergogne
Avec le sérieux requis
Je voudrais modestement
Esquisser quoiqu’on en pense
La petite révérence
Que m’apprirent mes parents
Car bien que je ne sois vieille
Que de trente et pas beaucoup
Quand j’y pense, je m’effraye
Qu’on ne sache plus, merveille,
Boire un coup !
Comme mon grand-père Louis
Composant avec science
De subtiles alliances
Entre Pommard et Rôti
Comme mon grand-père qui
Ne recevait à sa table
Que de vrais buveurs capables
Que des gosiers aguerris
Je voudrais pieusement
Rappeler qu’en mon enfance
Je m’y tenais vaillamment
Car…
Comme mon grand-père Louis
Faisant creuser dans la pierre
Bien avant sa maison mère
Une cave et ses replis
Comme mon grand-père qui
A nous sa progéniture
Apprit la grande aventure
Des raisins de son pays
Je voudrais à tout venant
Me vanter d’avoir en cave
Deux ou trois bouteilles graves
De riches bourgs triomphants
Car…
Comme mon grand-père Louis
Comme Albert à qui je ressemble
Et qui reposent ensemble
Sur la colline fleurie
Où il fit coucher aussi
Pour les côtoyer sous terre
Madeleine et Philibert
Et la très douce Marie
Je voudrais finalement
M’y coucher un jour, pareille
A une quelconque bouteille
Mais pourtant en attendant
Sans rien avoir d’un ivrogne
Je voudrais qu’on sache enfin
Qu’on peut être de Bourgogne
Qu’on peut aimer sans vergogne
Le bon vin
Car…
(à suivre)
La Red Star, pas la PSG…
La Marraine du Festival Montpellier Temps Chante : Juliette
Enfin une manifestation ambitieuse et décalée !
C’est avec plaisir et honneur que je soutiens cette initiative
amoureuse de chansons, de chanteuses et de chanteurs,
de «petits lieux» et de grandes ambitions!
En avant toute !»
bises
Juliette