Des goguettes aux comiques troupiers…
Charles GILLE
Alors qu’au coeur du 19ème siècle, la bourgeoisie étend son emprise économique et politique sur la société française, dans les goguettes mûrit l’esprit révolutionnaire. Charles Gille qui a vingt ans en 1840 est un de ces « goguettiers » qui confèrent à la chanson une véritable mission éducatrice : « Le grand peuple se réveille aux refrains du cabaret » écrit-il.
Vivant le plus souvent dans la misère, pourchassé par la police, il subsiste maigrement grâce à divers métiers toujours provisoires… et peu rémunérateurs. Fatigué, démoralisé, il finit par se suicider le 24 avril 1856. Il laissait derrière lui 150 chansons « une oeuvre qui compte dans l’histoire littéraire et philosophique du 19ème siècle et qu’il faut sauver de l’oubli ».
LE CABARET DE RAMPONNEAU
Nous allons à la Courtille,
N’en soyez pas étonnés.
Femme, laisse ta mantille,
Moi, mes habits galonnés.
Le casaquin des bourgeoises
Pour cet endroit est trop beau
(Refrain)
Vivent les chansons grivoises
Et le vin de Ramponneau.
C’est la… Regardez ces bandes
De buveurs autours des pots ;
On jurerait des guirlandes
De rouges coquelicots.
Point de figures sournoises,
De cafards, surtout pas d’eau.
(Refrain)
On y voit aussi des femmes
Venir avec leurs maris ;
Haut, tout haut, trop haut, ces dames
Les appellent leurs chéris,
Car de l’hymen ces matoises
Savent élargir l’anneau.
(Refrain)
A la table où l’on regarde
Deux vieux soldats s’étaient mis,
Le vin tapant la cocarde
En a fait deux ennemis.
Baisse le fer que tu croises,
On pleure sur le tombeau.
(Refrain)
Très simples dans leurs toilettes,
Mais avec de bien beau yeux,
Voici de gentes grisettes
Que suivent des amoureux.
Sans diamants, sans turquoises,
La jeunesse est leur joyau.
(Refrain)
Pas de prêtre qui dédaigne
De visiter le dit lieu,
Car on voit sur son enseigne
Le fantôme d’un vieux Dieu.
Il est là, bravant les noises,
A cheval sur un tonneau.
(Refrain)
Partons… Vêtus en livrée
De grands seigneurs vont venir.
Et bientôt, l’âme enivrée,
Ils oublieront l’avenir.
Grand, ce vilain que tu toises
Sape en riant ton tréteau.
(Refrain)
Pierre-Jean de BERANGER
Pierre-Jean de Béranger est un des premiers grands auteurs de chansons révolutionnaires de notre pays !… « L’homme-nation » dira de lui Lamartine, tant il sut se faire l’écho dans ses chansons de la voix du peuple.
Véritable star des goguettes qui fleurissaient alors à Paris (vers le milieu du 19ème siècle) il construisit en fait une œuvre véritable et consciente.
En préface à ses œuvres il écrivait : la chanson devait s’élever à la hauteur des impressions de joie ou de tristesse que les triomphes ou les désastres produisaient sur la classe la plus nombreuse. Le vin et l’amour ne pouvaient guère plus que fournir des cadres pour les idées qui préoccupaient le peuple… Ces « vendanges » en sont une parfaite illustration.
LES VENDANGES
BACH
Pourquoi les chansons qui parlent du vin – ici du pinard – échapperaient-elles à l’idéologie dominante ? On est ici dans l’état d’esprit franchouillard qui accompagne les va-t-en-guerre, les généraux toujours triomphants à la veille des batailles, les folliculaires toujours prêts à séduire les puissants…
Ah ! le pinard ! On sait aujourd’hui le rôle qu’il a joué dans le cours de la guerre 14 / 18 : amener les hommes à accepter l’inaccepteble.
« Vive le pinard » a été créé par Bach (interprète de La caissière du grand café, La Madelon) vers 1916 sur des paroles de Louis Bousquet et une musique de Georges Picquet pour servir de chanson de route au 140ème de ligne… Pas d’autres commentaires !
[audio:http://www.actechanson.fr/wp-content/upload/Les-Charlots-Vive-le-pinard.mp3|titles=Les Charlots – Vive le pinard]
Cette chanson mérite-t-elle mieux que cette interprétation par les Charlots ?
VIVE LE PINARD
Le soldat chante en portant son bazar
Une chanson authentique et bizarre
Dont le refrain est « Vive le pinard ! »
Refrain:
Un ! deux !
Le pinard c’est de la vinasse
Ça réchauffe là oùsque ça passe
Vas-y, Bidasse, remplis mon quart
Vive le pinard, vive le pinard !
Aimer sa sur, sa tante, sa marraine
Jusqu’à la mort, aimer son étendard,
Aimer son frère, aimer son capitaine,
Ça n’empêche pas d’adorer le pinard
On a donné ton nom à des esquarres
Mais dis-nous donc alors, que faut-il faire
Pour honorer l’inventeur du pinard ?
C’est ton devoir, mais songe que plus tard
Cette boisson te paraîtra z’amère,
Un vrai poilu ne boit que du pinard
Le vieux laid’ron, on le met z’au rencard,
La vieille bouteille est toujours bienvenue,
Plus il est vieux, plus on aime le pinard
De parfumer le repas d’un Boyard,
Tu ne vaudras jamais le cep de la vigne,
Vu que c’est lui qui donne le pinard.
N’a jamais soif, mais c’est des racontars,
S’il ne boit pas, c’est qu’il n’a que d’l’eau claire,
Il boirait bien s’il avait du pinard
On tue les puces avecque du coaltar,
On tue les rats avecque des acides
Et le cafard en buvant du pinard
On tend des pièges pour prendre le renard,
On tend son arc pour avoir la main sûre,
Moi j’tends mon quart pour avoir du pinard
Je vous en prie, ne soyez pas flemmards,
Prouvez-moi-le en chantant z’à tue-tête
Le gai refrain de « Vive le pinard ! »
Tous en coeur !
au Refrain
GEORGIUS
Georgius et Trémolo sont à l’oeuvre dans cette chanson datée de 1937… et qui raconte donc une mise en bouteille plutôt particulière dans un château bordelais. Sur une musique très alerte, dansante presque, Georgius est au meilleur de sa forme (c’est l’époque où il triomphe avec Au lycée Papillon ), juste grivois ce qu’il faut à l’heure où le Front Populaire est en train de perdre la rue et où, en Espagne, l’Histoire prépare quelques unes de ses pages les plus sombres.
[audio:http://www.actechanson.fr/wp-content/upload/Georgius-La-Mise-En-Bouteille.mp3|titles=Georgius – La Mise En Bouteille]
LA MISE EN BOUTEILLE AU CHATEAU
Où diable cours-tu si vite,
Jean le tonnelier ?
« Je m’en vais travailler
De mon beau métier
Au château de Bonne Cuite
Je vais mettre en train
Vingt barriques de vin
Livrées ce matin »
Au château
Du bon jus de nos treilles
De Bordeaux
Pour respecter les tonneaux,
Faut avoir l’âme d’un héros
Y a d’l a mise en bouteille
Au château
Et Louis, le chauffeur,
Vous, soubrettes en fleur,
Et toi, le facteur ?
« Nous descendons à la cave
Jeter un regard
Et goûter le nectar
De ce vieux renard »
Au château
Du bon jus de nos treilles
De Bordeaux
Mais l’bon vin, quand il fait chaud,
Fait bouillonner du chapeau
Y a d’ la mise en bouteille
Au château
Qu’ils n’sont point r’montés
Dit l’châtelain, j’vais y aller
Voir c’ qui s’est passé…
Mais derrière mes barriques
Quels sont ces soupirs,
Ces baisers, ces gros rires ?
Qu’est-ce que ça veut dire ?
Au château
Du bon jus de nos treilles
De Bordeaux
J’ crois qu’ les garçons du hameau
Ont dû s’tromper de goulot
Y a d’ la mise en bouteille
Au château
Mais bien chancelant
D’où viens-tu, Père Jean
Au nez flamboyant ?
« Ça y est, mes tonneaux sont vides
Hélas, je ne puis
Dire qu’il en est ainsi
Des filles du pays »
Au château
Du bon jus de nos treilles
De Bordeaux
Les soubrettes en prirent trop
Elles ont le ventre un peu gros
Y a d’ la mise en bouteille
Au château
Le vieux médecin
Va nous donner, enfin,
Le mot de la fin
« Apprenez, c’ n’est pas un drame
Que depuis tantôt
Il y a au château
Douze petits jumeaux »
Au château
Ils aimeront nos treilles
Et l’ bordeaux
Car ils ont tous des marmots
Déjà douze petits pipeaux
Y a d’ la mise en bouteille
Au château
(à suivre)
En lisant ça :
http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2012/03/16/science-chez-les-mouches-le-male-sombre-dans-lalcool-par-frustration-sexuelle/
j’ai eu envie de boire et je suis tombé sur :
http://www.chansons-net.com/boire/