LE VIN DES POETES – Episode 15 : Un grand voyage en poésie (5)

Le froid et l’informatique étaient contre nous ces derniers jours, mais nous avons résisté. Il faut résister ! Et ça vaut pour cette nouvelle étape du Grand voyage en poésie qu’a entrepris le Vin des Poètes… Du passé à la modernité !

CHARLES-FRANCOIS PANARD 

Poète et auteur dramatique, chansonnier, Charles-François Panard fut un de ces innombrables poètes du 18ème siècle français, auteur de vaudevilles, d’opéra-comiques, de divertissements… Au total plus de cent pièces de théâtre et un nombre quasi incalculable d’oeuvres diverses : fables, allégories, épigrammes, madrigaux, énigmes et autres bouquets… qu’on appelait alors des « poésies fugitives ».

Né en 1694 en Eure et Loire, il aimait, nous dit-on, boire, chanter et rire. Et c’est ainsi qu’il vécut, modestement. On connait de lui quelques poèmes voués à la célébration du vin et surtout deux calligrammes – le verre et le flacon – qui en font un trait d’union inattendu entre Rabelais et Apollinaire (voir le prochain épisode). Mais écoutons aujourd’hui cette chanson « L’enfant de Cythère » qu’il y a bien longtems je me suis permis de mettre en musique.

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L’ENFANT DE CYTHERE (Pièce anacréontique)

 

Un jour l’enfant de Cythère

Panier et serpette en mains

S’offrit à Bacchus pour faire

La cueillette du bon vin

 

Bacchus reconnut le traître : 

Ah ! C’est vous beau vendangeur !

Je vais vous faire connaître

Comme on traite un imposteur »

 

« Vite, vite, que l’on mette

Dans la hotte l’étourdi,

Qu’on le porte et qu’on le jette

Dans la cuve tout brandi ! »

 

La sentence s’exécute,

Et le pauvre Cupidon

Fut baigné dans la minute,

Des pieds jusques au menton.

 

Il fuit enfin, mais il reste

Dans le vin dont il sortit,

Certaine vapeur funeste

Qui fait que l’on s’attendrit.

 

Ah ! C’est de ce vin sans doute

Qu’Iris nous verse en ce jour ;

Je n’en ai bu qu’une goutte

Et mon cœur brûle d’amour.

 

PIERRE DE RONSARD

Voilà quelques temps déjà que l’on sait que ce que nous avons appris scolairement de Ronsard est loin de refléter la vérité d’un homme de la Renaissance qui était finalement tout sauf mièvre (vous savez : Mignone allons voir si la rose… etc) et obséquieux (on disait « courtisan » à l’époque). Dans sa vie comme dans sa poésie, Ronsard fut même plutôt courageux. Il écrivait par exemple de lui-même : Je suis opiniâtre, indiscret, fantastique, Farouche, soupçonneux, triste et mélancolique, Content et non content, mal propre et mal courtois, Au reste craignant Dieu, les princes et les lois… Un homme de son temps !

De nombreux poèmes sur le thème du vin, dont ce Chant de folie à Bacchus, le démontrent amplement. N’écrivait-il pas :

Que saurais-je mieux faire en ce temps de vendanges,

Après avoir chanté d’un verre les louanges,

Sinon chanter Bacchus et ses fêtes, à fin

De célébrer le Dieu des verres et du vin ?

CHANT DE FOLIE A BACCHUS

 

Délaisse les peuples vaincus

Qui sont sous le lit de l’Aurore,

Et la ville qui, ô Bacchus,

Cérémonieuse t’adore.

 

De tes tigres tourne la bride

En France, où tu es invoqué,

Et par l’air ton chariot guide

Dessus en pompe collocqué

 

Que cette fête ne se fasse

Sans t’y trouver, Père joyeux,

C’est de ton nom la dédicace,

Et le jour où l’on rit le mieux.

 

Le voici, je le sens venir,

Et mon cœur étonné ne peut

Sa grande divinité tenir

Tant elle l’agite et l’émeut

 

Quels sont ces rochers où je vois,

Léger d’esprit, quel est ce fleuve

Quels sont ces antres et ces bois

Où seul égaré je me trouve

 

J’entends le bruit des cimbales

Et les champs sonner Evoe.

J’ai la rage des Bacchanales

Et le son du cor enroué.

 

Ici le chancellant Silène

Sur un tardif âne monté

Les inconstants satyres mène

Qui le soutiennent d’un côté

 

Qu’on boute du vin dans la tasse,

Sommelier, qu’on en verse tant

Qu’il se répande dans la place ;

Qu’on mange, qu’on boive d’autant

 

Amoureux, menez vos aimées,

Ballez et dansez sans séjour,

Que les torches soient allumées

Jusques à la pointe du jour.

 

Sus, sus ! mignons, sus confitures,

Le codignac vous semble bon,

Vous n’avez les dents assez dures

Pour faire peur à ce jambon.

 

Amis, à force de bien boire

Repoussez de vous le souci,

Que jamais plus n’en soit mémoire ;

Là donques, faites tous ainsi.

 

Hélas ! que c’est un doux tourment

Suivre ce Dieu qui environne

Son chef de vigne et de sarment,

En lieu de royale couronne.

 

DANS LA POESIE CONTEMPORAINE

Ayant considérablement élargi le champ poétique, voire la conception même de la poésie, aujourd’hui décelable partout – dans les figurations, les gestes, les sons… – la poésie contemporaine s’est largement offerte au vin, à l’ivresse, à leur célébration.

Comme nous le verrons, la chanson en fait désormais un grand usage… Mais écoutez quelques unes de ces voix réunies dans un « éloge des poètes par le vin » (Obsidiane 1998) 

La vigne est une harpe plantée sur la colline

Nous avons enfoncé dans le dos de la terre

Ces pieux alignés sous le ciel

Tendu le fil de fer

Maintenant c’est le vent qui joue avec les cordes

Francis Combes

 

Nous rangions dans le cellier les bouteilles et les cueillades de fruits frais Nous Nous allions à peine nés vers les demoiselles uniformes levant la jupe et dégrafant le corsage Nous avions hâte de saouleries et d’avaler le frais des gentes étendues jambes ouvertes

Hubert Juin

 

… L’écho le vin l’immensité

La blancheur de la nappe où dans le langage

Le dévalement ressemble à la mémoire

Bernard Vargaftig

 

Au fond de son cratère ou de son verre, le non-philosophe sait qu’il n’y a rien à voir. Seulement à boire.

 Francis Wybrands

[audio:http://www.actechanson.fr/wp-content/upload/05-Gilbert-Maurin-_-Aquarelles-mentales.mp3|titles=05-Gilbert Maurin _ Aquarelles mentales]

(à suivre)

 

 

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