Guy Béart : anonyme du 21ème siècle

Admirateur quasi inconditionnel de Guy Béart, fin connaisseur de ses mots, de son oeuvre, Dominique Boudet a accepté que nous publions ici le texte d’hommage qu’il lui a consacré sur son propre blog, sur www.trinquefougasse.com. 

guy-beart-1442851956-32940En toute modestie, je voudrais en quelques mots dire ce qui m’a séduit dans ce chanteur que j’ai découvert peu à peu, après avoir été surpris, interpellé par cette voix si singulière : un esprit différent abordant les problèmes sous un angle nouveau, une liberté totale, un regard transperçant, un humour décapant, une curiosité boulimique, un bon sens paysan, une perception du monde inouïe, et une fantaisie bien réelle.

La première chanson que je fis mienne, si on excepte « l’eau vive » qu’on fredonnait tout petit en colonie, fut « Les Souliers ». « Dans la neige, y avait 2 souliers… », un rythme, une musique, un paysage où l’on sent le froid, deux souliers perdus au milieu dans la neige… Le décors est planté, situation dramatique et cocasse suivant les passants : ils sont trop petits, dit le premier, le second trop vite est reparti, une femme qui regarde mieux (c’est normal) n’en croit pas ses yeux… combien d’hommes qui passent sans voir, combien d’hommes qui n’ont pas d’espoir !  Et quelle chance : je suis arrivé, je les ai trouvés, et ils sont juste à mon pied ! Comme très souvent dans les chansons de Béart, après la nuit, une lueur d’espoir : dans la neige, je cherche une amie !

Béart croit ou veut se forcer à croire en l’homme. Dans « Qui suis-je, qu’y puis-je ? », il fait un constat de ce monde en émoi où pas grand-chose tourne rond, et il termine en disant : « et pourtant je me jette, et j’aime et je combats pour des mots pour des êtres, pour cet homme qui va ! » C’est « l’Espérance folle », c’est changer les « Couleurs » du temps, c’est « Demain je recommence » après son cancer ! C’est « il fait toujours beau quelque part »…

Alors on comprend mieux ce qui s’est passé sur le plateau d’Apostrophes quand Béart se fait traiter de blaireau par Gainsbourg bourré : la Chanson n’est pas un art mineur ! La chanson, c’est une arme terrible, c’est un concentré de vie, c’est un cri, c’est une perle rare !

Il est bien regrettable que cet incident dans lequel Guy Béart avait raison se soit retourné contre lui et l’ai desservi tout au long de sa carrière en le faisant passer pour ringard, mais c’est ainsi… « Les proverbes d’aujourd’hui, à notre époque ressemblent, les proverbes d’aujourd’hui sont les clameurs de la nuit… »

Les grands sujets de société ont été perçus  par Béart souvent avant les autres : « Couleurs » vous êtes des larmes qu’il chante en 1963, « Parodie », « La Vérité », « La télé », « Liban Libre », « Le grand chambardement » !

Guy Béart non seulement n’était pas ringard, mais il était un précurseur, un visionnaire, et il a  été le premier au moins dans deux domaines : Il a été le premier artiste à créer sa propre maison d’édition pour être libre de choisir son avenir. Quant aux émissions « Bienvenue » à la télé elles ont été les premières émissions de ce type et ont ouvert la voie aux Grands Échiquiers de Jacques Chancel et à toutes celles qui suivront… « Bienvenue » à Brassens, à Trenet, à Aragon, à Raymond Devos, et à tant d’autres ! Un vrai régal quand on a la chance de pouvoir les revoir.

Ce portrait ne serait pas complet si je n’évoquais pas son côté satirique, son humour décapant, sa bonne humeur inébranlable, sa lucidité, sa tolérance dans les hommes et son amour des femmes.

Que de succès : « Chandernagor », « Le Quidam », « Les grands principes », « Un Monsieur aimait un jeune homme », « Vous », « Qu’on est bien », « La Gambille », « Il n’y a plus d’après… », « Poste restante », « Suez », « La Vénus Mathématique »… et tant d’autres.

Peut-être aurons-nous l’occasion d’organiser une soirée « Bienvenue à Guy Béart » dans quelque temps à Trinquefougasse, où nous pourrons chanter ensemble :

« J’appelle dans le vide / vers le sud ou le nord sans savoir / mes mots s’en vont rapides / Iront-ils jusqu’à toi aujourd’hui / Allo, allo tu m’entends / est-ce qu’il fait beau temps / là bas sous ton ciel… »

Dominique B.

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