Patachou

jplequesC’est avec tristesse que nous avons appris jeudi dernier le décès de la chanteuse et actrice Patachou, à l’âge de 96 ans.

Née Henriette Ragon en 1918, elle avait, après la dernière guerre, tenu une boulangerie qu’elle transforma (d’abord l’annexe puis plus tard la totalité du fond de commerce), en cabaret, à Montmartre. Etant boulangère, c’est tout naturellement qu’elle prit le pseudonyme de Lady Patachou pour ses premières tournées… Bien sûr elle aurait pu choisir Lady Tatin mais, entre nous, cela aurait fait un peu tarte…

Elle débuta dans son cabaret en chantant un répertoire un peu grivois et, armée d’une paire de ciseaux, elle coupait les cravates des messieurs venus s’encanailler.

– Tiens les amis, il paraît qu’il y a là-bas, à Montmartre , un super cabaret, très smart, je ne sais pas trop ce qui s’y passe mais on m’a dit que l’ambiance était extra, je vais m’y rendre ce soir, je mettrai mon chouette costar en alpaga angora de Bornéo avec ma nouvelle merveille de cravate de soie, incrustée de diamants et venue de Chine à dos de mulet. Elle m’a coûté une petite – que dis-je, une grosse fortune – mais alors elle en jette… Patatras, jette la cravate !

Maurice Chevalier venant en voisin avec un nœud papillon – il était trop radin pour accepter de se faire bousiller une cravate – suggéra à Patachou de choisir un répertoire mieux adapté aux salles de spectacles et aux spectateurs amoureux de la chanson plus que des salles de garde et de leurs carabins… Ce qu’elle fit de bon cœur.

Au fil des années on put entendre dans son cabaret de nombreux artistes débutants : Raymond Devos, Hugues Aufray, Jean-Claude Darnal, Guy Béart, Maurice Fanon, Frida Boccara et surtout, au début des années 50, Georges Brassens  avec qui elle chanta « Maman, papa » et qu’elle força à monter sur scène pour chanter ses propres chansons… Par la suite elle eut toujours la modestie de se défendre de lui avoir mis le pied à l’étrier.

A son tour, Patachou fit une grande carrière : elle chanta des chansons de notre Sétois national, puis elle élargit son répertoire d’Aristide Bruant à Mick Micheyl, de Guy Bontempelli à Frédéric Botton, de « n’en jetez plus » à « la cour est pleine »… Elle partit en tournée au Japon, en Chine, en Suède, pendant près de 20 ans, elle fit des concerts en Amérique, passant au Carnegie Hall et, plusieurs fois à l’Ed Sullivan Show… Polnareff peut s’accrocher lui qui en est réduit à attaquer la pub Cetelem pour crime de lèse-sosie.

Dans les années 50, toute la gouaille, l’émotion, l’intelligence et le talent qu’elle mettait dans l’interprétation de ses chansons, elle les mit au service du théâtre et du cinéma. En 50 ans de carrière elle tourna une quinzaine de films avec Renoir, Guitry, Roger Hanin, et même dans le dernier opus de Leo Carax… Elle a aussi tourné dans treize téléfilms ou séries télévisées.

Comme pour beaucoup de ses collègues son œuvre artistique aurait pu lui valoir la légion d’honneur, mais elle s’est contenté de l’avoir pour faits de résistance… Autres temps autres mœurs.

Je rappellerai enfin qu’elle était la mère du chanteur, auteur, compositeur Pierre Billon auquel je présente symboliquement mes condoléances car je doute fort qu’il consulte le site de l’Acte Chanson.

Reposez  en paix Patachou, et que les sillons de nos disques s’abreuvent encore longtemps de vos chansons.

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