VIN DES POETES – Episode 18 : Le temps des chansons (2)

Pierre PERRET

Auteur splendide de chansons populaires de grande qualité, avec un  nombre étonnant de « tubes », Pierre Perret a naturellement mis le vin à son répertoire. On est loin certes des Jolies colonies de vacances, de Tonton Cristobal ou de Lily, mais la chanson existe et mérite pleinement sa place ici.

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LE VIN

Si le bon Dieu nous a donné
Dans sa largesse un trou sous le nez
Pour baiser nos maîtresses
Pour compléter son souhait divin
Il voulut qu’on y verse
De temps en temps un verre de vin
Je cherche une fille en vain
Qui m’aime autant que j’aime le vin
Qui boira mon Bourgogne
Et mon Bordeaux mon Saint-Julien
Et leur violente sève
Coulera le feu dans nos reins

REFRAIN:
Claque ta langue
Fille de Bacchus
Contre la mienne
Et gloire à Vénus

Tandis qu’elle goûte à mon Latour
Au Chambertin au Saint-Amour
Sous sa robe vermeille
Elle m’offrira le fin bouquet
De sa divine treille
Au parfum d’ambre et de muguet
J’écouterai le doux babil
Qu’engendre le Mouton-Rothschild
Et ses fraîches papilles
Cajoleront le grand Pétrus
Qui fait jouer aux filles
L’amour sur un stradivarius

REFRAIN

Elle saura se méfier de l’eau
Le nez dans le clos de Vougeot
Ou fleurant la vanille
Dans le gracieux Château Giscours
J’aimerai qu’elle s’habille
De ce parfum pour nos amours
Sortant mes lettres de cachet
Avec le noble Montrachet
La belle peut me rendre
Et en caresses et en bécots
En accolements tendres
Cent fois le prix de son écot

REFRAIN

Qu’un jour nos académiciens
Boivent quelques gouttes de vin
Ils auront le courage
De définir ce mot abscons
Qui est tout à leur image
Il rime avec le frais Mâcon
Si le bon Dieu nous a donné
Dans sa largesse un trou sous le nez
Pour baiser nos maîtresses
Pour compléter son souhait divin
Il voulut qu’on y verse
De temps en temps un verre de vin

REFRAIN

 

Guy BEART

Scientifique diplômé de l’Ecole des Ponts et Chaissées, Guy Béart débute dans la chanson en 1954. Comme la plupart des artistes de l’époque, il se multiplie dans les cabarets parisiens et le succés vient finalement assez vite puisqu’il est Grand Prix du disque de l’Académie Charles Cros dès 1958.

C’est au tout début des années 60 qu’il se consacre à des chansons françaises traditionnelles qu’il adapte au goût du jour et fait chanter à des millions de Français. Ainsi la complainte de ce Brave marin revenu en son auberge et où le vin joue d’évidence un rôle primordial, comme souvent dabns les drames.

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Magnifique interprétation par Les Frères Jacques

 

BRAVE MARIN

Brave marin revient de guerre, tout doux (bis)
Tout mal chaussé, tout mal vêtu,
Brave marin, d’où reviens-tu, tout doux.

Madame, je reviens de guerre, tout doux (bis)
Apportez vite du vin blanc,
Que le marin boive en passant, tout doux.

Brave marin se met à boire, tout doux (bis)
Se met à boire et à chanter,
la belle hôtesse soupirait tout doux.

Ah! Dites-moi, la belle hôtesse, tout doux (bis)
Regrettez-vous votre vin blanc
Que le marin boit en passant? tout doux.

C’n’est pas mon vin que je regrette, tout doux (bis)
Mais c’est la mort de mon mari,
Monsieur, vous ressemblez à lui, tout doux.

Ah! Dites-moi, la belle hôtesse, tout doux (bis)
Vous aviez de lui trois enfants,
Et j’en vois quatre maintenant, tout doux.

On m’a écrit de ses nouvelles, tout doux (bis)
Qu’il était mort et enterré,
Que je me suis remariée, tout doux.

Brave marin vide son verre, tout doux (bis)
Sans remercier, tout en pleurant,
S’en retourne à son bâtiment, tout doux.

 

Jacques BREL 

Naturellement plutôt porté sur la bière comme tous les gens du Nord, Jacques Brel a su apprécier le vin et le dire dans ses chansons. Le vin est chez lui un accompagnement indispensable de la fête mais aussi l’exutoire des plus sombres destins; comme dans ce funèbre Dernier repas.

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 Jacques Brel accueilli dans les années 60 par Jean-Pierre Lesigne 

à l’Auberge du Pet au diable, près de Montpellier

 

A mon dernier repas

Je veux voir  mes frères

Et mes chiens et mes chats

Et le bord de la mer

A mon dernier repas

Je veux voir mes voisins

Et puis quelques Chinois

En guise de cousins

Et je veux qu’on y boive

En plus du vin de messe

De ce vin si joli

Qu’on buvait en Arbois

Je veux qu’on y dévore

Après quelques soutanes

Une poule faisane

Venue du Périgord

Puis je veux qu’on m’emmène

En haut de ma colline

Voir les arbres dormir

En refermant leurs bras

Et puis je veux encore

Lancer des pierres au ciel

En criant Dieu est mort

Une dernière fois

 

A mon dernier repas

Je veux voir mon âne

Mes poules et mes oies

Mes vaches et mes femmes

A mon dernier repas

Je veux voir ces drôlesses

Dont je fus maître et roi

Ou qui furent mes maîtresses

Quand j’aurai dans la panse

De quoi noyer la terre

Je briserai mon verre

Pour faire le silence

Et chanterai à tue-tête

A la mort qui s’avance

Les paillardes romances

Qui font peur aux nonnettes

Puis je veux qu’on m’emmène

En haut de ma colline

Voir le soir qui chemine

Lentement vers la plaine

Et là debout encore

J’insulterai les bourgeois

Sans crainte et sans remords

Une dernière fois

 

Après mon dernier repas

Je veux que l’on s’en aille

Qu’on finisse ripaille

Ailleurs que sous mon toit

Après mon dernier repas

Je veux que l’on m’installe

Assis seul comme un roi

Accueillant ses vestales

Dans ma pipe je brûlerai

Mes souvenirs d’enfance

Mes rêves inachevés

Mes restes d’espérance

Et je ne garderai

Pour habiller mon âme

Que l’idée d’un rosier

Et qu’un prénom de femme

Puis je regarderai

Le haut de ma colline

Qui danse qui se devine

Qui finit par sombrer

Et dans l’odeur des fleurs

Qui bientôt s’éteindra

Je sais que j’aurai peur

Une dernière fois.

 

MON ONCLE BENJAMIN

 Ayant abandonné la scène des music-halls, Jacques Brel choisit un jour de s’exprimer au cinéma. Comme acteur certes, mais aussi comme réalisateur (les succès du premier ne présageant pas d’ailleurs des difficultés du second).

Brel acteur ? Sur scène il était déjà le comédien-chanteur par excellence, vivant ses chansons comme personne. A l’écran il se révéla immense dans des rôles certes taillés sur mesure pour lui, mais auxquels il conféra une immédiate et pleine vérité… Ainsi cet Oncle Benjamin que le modeste écrivain Claude Tillier semble avoir écrit spécialement pour lui. Un siècle et demi plus tôt !

Ma foi c’est un triste soldat

Que celui qui ne sait pas boire

 Mon oncle Benjamin, au dire de tous ceux qui l’ont connu, était l’homme le plus gai, le plus drôle, le plus spirituel du pays…

Toutefois mon oncle Benjamin n’était pas ce que vous appelez trivialement un ivrogne, gardez-vous de le croire. C’était un épicurien qui poussait la philosophie jusqu’à l’ivresse et voilà tout. Il avait un estomac plein d’élévation et de noblesse. Il aimait le vin, non pour lui-même, mais pour cette folie de quelques heures qu’il procure, folie qui déraisonne chez l’homme d’esprit d’une manière si naïve, si piquante, si originale, qu’on voudrait toujours raisonner ainsi. S’il eut pu s’enivrer en lisant la messe, il eut lu la messe tous les jours. Mon oncle Benjamin avait des principes : il prétendait qu’un homme à jeun était un homme encore endormi ; que l’ivresse eut été un des plus grands bienfaits du Créateur, si elle n’eût fait mal à la tête, et que la seule chose qui donnât à l’homme la supériorité sur la brute, c’était la faculté de s’enivrer.

 Boire et manger sont deux êtres qui se ressemblent ; au premier aspect, vous les prendriez pour deux cousins germains. Mais boire est autant au-dessus de manger, que l’aigle qui s’abat sur la pointe des rochers est au-dessus du corbeau qui perche sur la cime des arbres. manger est un besoin de l’estomac ; boire est un besoin de l’âme. Manger n’est qu’un vulgaire artisan, tandis que boire est un artiste. Boire inspire de riantes idées aux poètes, de nobles pensées aux philosophes, des sons mélodieux aux musiciens ; manger ne leur donne que des indigestions…

 

(à suivre)

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