Le froid et l’informatique étaient contre nous ces derniers jours, mais nous avons résisté. Il faut résister ! Et ça vaut pour cette nouvelle étape du Grand voyage en poésie qu’a entrepris le Vin des Poètes… Du passé à la modernité !
CHARLES-FRANCOIS PANARD
Poète et auteur dramatique, chansonnier, Charles-François Panard fut un de ces innombrables poètes du 18ème siècle français, auteur de vaudevilles, d’opéra-comiques, de divertissements… Au total plus de cent pièces de théâtre et un nombre quasi incalculable d’oeuvres diverses : fables, allégories, épigrammes, madrigaux, énigmes et autres bouquets… qu’on appelait alors des « poésies fugitives ».
Né en 1694 en Eure et Loire, il aimait, nous dit-on, boire, chanter et rire. Et c’est ainsi qu’il vécut, modestement. On connait de lui quelques poèmes voués à la célébration du vin et surtout deux calligrammes – le verre et le flacon – qui en font un trait d’union inattendu entre Rabelais et Apollinaire (voir le prochain épisode). Mais écoutons aujourd’hui cette chanson « L’enfant de Cythère » qu’il y a bien longtems je me suis permis de mettre en musique.
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L’ENFANT DE CYTHERE (Pièce anacréontique)
Un jour l’enfant de Cythère
Panier et serpette en mains
S’offrit à Bacchus pour faire
La cueillette du bon vin
Bacchus reconnut le traître :
Ah ! C’est vous beau vendangeur !
Je vais vous faire connaître
Comme on traite un imposteur »
« Vite, vite, que l’on mette
Dans la hotte l’étourdi,
Qu’on le porte et qu’on le jette
Dans la cuve tout brandi ! »
La sentence s’exécute,
Et le pauvre Cupidon
Fut baigné dans la minute,
Des pieds jusques au menton.
Il fuit enfin, mais il reste
Dans le vin dont il sortit,
Certaine vapeur funeste
Qui fait que l’on s’attendrit.
Ah ! C’est de ce vin sans doute
Qu’Iris nous verse en ce jour ;
Je n’en ai bu qu’une goutte
Et mon cœur brûle d’amour.
PIERRE DE RONSARD
Voilà quelques temps déjà que l’on sait que ce que nous avons appris scolairement de Ronsard est loin de refléter la vérité d’un homme de la Renaissance qui était finalement tout sauf mièvre (vous savez : Mignone allons voir si la rose… etc) et obséquieux (on disait « courtisan » à l’époque). Dans sa vie comme dans sa poésie, Ronsard fut même plutôt courageux. Il écrivait par exemple de lui-même : Je suis opiniâtre, indiscret, fantastique, Farouche, soupçonneux, triste et mélancolique, Content et non content, mal propre et mal courtois, Au reste craignant Dieu, les princes et les lois… Un homme de son temps !
De nombreux poèmes sur le thème du vin, dont ce Chant de folie à Bacchus, le démontrent amplement. N’écrivait-il pas :
Que saurais-je mieux faire en ce temps de vendanges,
Après avoir chanté d’un verre les louanges,
Sinon chanter Bacchus et ses fêtes, à fin
De célébrer le Dieu des verres et du vin ?
CHANT DE FOLIE A BACCHUS
Délaisse les peuples vaincus
Qui sont sous le lit de l’Aurore,
Et la ville qui, ô Bacchus,
Cérémonieuse t’adore.
De tes tigres tourne la bride
En France, où tu es invoqué,
Et par l’air ton chariot guide
Dessus en pompe collocqué
Que cette fête ne se fasse
Sans t’y trouver, Père joyeux,
C’est de ton nom la dédicace,
Et le jour où l’on rit le mieux.
Le voici, je le sens venir,
Et mon cœur étonné ne peut
Sa grande divinité tenir
Tant elle l’agite et l’émeut
Quels sont ces rochers où je vois,
Léger d’esprit, quel est ce fleuve
Quels sont ces antres et ces bois
Où seul égaré je me trouve
J’entends le bruit des cimbales
Et les champs sonner Evoe.
J’ai la rage des Bacchanales
Et le son du cor enroué.
Ici le chancellant Silène
Sur un tardif âne monté
Les inconstants satyres mène
Qui le soutiennent d’un côté
Qu’on boute du vin dans la tasse,
Sommelier, qu’on en verse tant
Qu’il se répande dans la place ;
Qu’on mange, qu’on boive d’autant
Amoureux, menez vos aimées,
Ballez et dansez sans séjour,
Que les torches soient allumées
Jusques à la pointe du jour.
Sus, sus ! mignons, sus confitures,
Le codignac vous semble bon,
Vous n’avez les dents assez dures
Pour faire peur à ce jambon.
Amis, à force de bien boire
Repoussez de vous le souci,
Que jamais plus n’en soit mémoire ;
Là donques, faites tous ainsi.
Hélas ! que c’est un doux tourment
Suivre ce Dieu qui environne
Son chef de vigne et de sarment,
En lieu de royale couronne.
DANS LA POESIE CONTEMPORAINE
Ayant considérablement élargi le champ poétique, voire la conception même de la poésie, aujourd’hui décelable partout – dans les figurations, les gestes, les sons… – la poésie contemporaine s’est largement offerte au vin, à l’ivresse, à leur célébration.
Comme nous le verrons, la chanson en fait désormais un grand usage… Mais écoutez quelques unes de ces voix réunies dans un « éloge des poètes par le vin » (Obsidiane 1998)
La vigne est une harpe plantée sur la colline
Nous avons enfoncé dans le dos de la terre
Ces pieux alignés sous le ciel
Tendu le fil de fer
Maintenant c’est le vent qui joue avec les cordes
Francis Combes
Nous rangions dans le cellier les bouteilles et les cueillades de fruits frais Nous Nous allions à peine nés vers les demoiselles uniformes levant la jupe et dégrafant le corsage Nous avions hâte de saouleries et d’avaler le frais des gentes étendues jambes ouvertes
Hubert Juin
… L’écho le vin l’immensité
La blancheur de la nappe où dans le langage
Le dévalement ressemble à la mémoire
Bernard Vargaftig
Au fond de son cratère ou de son verre, le non-philosophe sait qu’il n’y a rien à voir. Seulement à boire.
Francis Wybrands
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(à suivre)